AU-DELÀ DES MONTAGNES

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Et si Jia Zhang-Ke était devenu l’un des meilleurs chroniqueurs de la Chine contemporaine ? Après A touch of sin peinture du pays à l’ère de la mondialisation rédigé à partir d’articles de journaux, Au-delà des montagnes tire le même fil à travers les destinées de trois Chinois, au gré de leurs amours et des mutations économiques entre 1999 et 2025.

Les aventures sentimentales de Lianzi, Zang et Tao incorporent dans un mélodrame à la Douglas Sirk les pronostics de Jia Zhang-Ke sur un futur ou la richesse matérielle aura peut-être pris le pas sur celle du cœur. En trois époques, Au-delà des montagnes met à jour les sagas balzaciennes, pour incorporer les dégâts d’un consumérisme roi sur une diaspora chinoise.

A la fois prophétique et nostalgique d’une Chine ou existaient tant soit peu les rapports entre classes sociales, Jia Zhang-Ke signe une saga qui n’est pas seulement émouvante par son triangle amoureux, mais aussi par les larmes qu’elle verse sur une civilisation en mutation, un monde qui s’écroule de plus en plus vite.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver A TOUCH OF SIN (Le film précédent de Jia Zhang-Ke questionnait déjà les transformations économiques de la Chine récente) ou encore VIVRE (Une autre saga familiale chinoise, par Zhang Yimou).

Le portrait que fait Jia Zhang Ke de la Chine moderne dans Au-delà des montagnes ne tient pas à des élucubrations. Le réalisateur aura assisté presque en temps réel aux conséquences sociales des mouvements économiques, au gré d’une salve de documentaires sur son pays qu’il a enchaînés entre 2006 et 2013. Ils auront nourri son retour à la fiction avec A touch of sin et Au-delà des montagnes. Le titre de ce dernier faisant écho à un aphorisme chinois disant que « le temps transformera les montagnes et les rivières, mais les cœurs resteront les mêmes ».

Celui de Jia Zhang Ke a changé avec la mort soudaine de son père, l’amenant à s’interroger sur le devenir de sa mère, et par ricochet sur son éloignement d’une tradition ancestrale voulant que les différentes générations des familles chinoises vivent ensemble. Jia Zhang Ke ne visitait sa mère que deux fois par an, généralement pour lui amener de l’argent, lui remit un jeu de clés pour l’inciter à venir plus souvent. En réalisant qu’elle avait besoin de sa présence et non de son soutien financier, l’idée d’Au-delà des montagnes, film sur le parasitage des connections émotionnelles par des valeurs économiques venait de germer.

Le symbole récurrent d’au-delà des montagnes est Go West, le tube des Pet Shop Boys qui ouvre et clot le film. Pour autant, de l’aveu même de Jia Zhang-Ke il ne faudrait pas y voir une ironique métaphore sur l’ouverture de la Chine au système occidental. En 1999, cette chanson était particulièrement populaire là-bas, particulièrement à Pékin où le réalisateur était étudiant. Chaque passage en club du morceau déclenchant des chenilles réunissant les foules pour un moment de liesse. Jia Zhang Ke en a gardé une impression de jeunesse fédérée et de liberté, et à repris cette chanson dans son film pour indiquer que l’important n’était pas l’idée d’accepter l’ouest mais bien d’avoir des rêves au moment de partir tenter l’aventure ailleurs.

On avait quitté Jia Zhangke sur un constat assez terrible, celui d’un pays livré à la sauvagerie capitaliste dans un bain de sang et de stupre. Le récit qui ouvre Au-delà des montagnes laisse supposer un certain apaisement : de retour en 1999, la nation se cache derrière ...

Trois époques. Trois destins. Mais cette double triangulation ne va pas conserver un profil géométriquement constant. On découvre Tao, le sommet féminin du triangle héroïque, participant fièrement à une chorégraphie de groupe, dans la Chine populaire de 1999. Superbement ...

J'avais un peu boudé A touch of sin parce que Still Life que j'avais vu à sa sortie ne m'avait pas forcément touché des masses... (mais bon, j'étais au lycée à l'époque) et à présent, après avoir vu Au-delà des montagnes, je n'ai qu'une envie, rattraper mon retard. Car ...