CARTOUCHES GAULOISES

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Printemps 1962, nous sommes à Tlemcen, petite ville du nord-ouest de l’Algérie, à l’intérieur des terres entre Oran et la frontière marocaine. Un petit algérien de 10 ans, Ali, porte ses journaux aux quatre coins de la ville et assiste ainsi aux derniers jours de la présence française en Algérie: entre premiers départs de colons, parties de foot avec les copains d’école français et algériens, attentats de l’OAS et du FLN, exactions militaires, visites au bordel, trahisons des deux bords, harkis, fellaghas, chefs de gare et trains qui passent sous le soleil...

Pour le réalisateur, Mehdi Charef, qui avait lui aussi 10 ans en 62, c’est évidemment un film autobiographique, 45 ans après les événements, un film dont il a longtemps repoussé le tournage par peur de raviver de vieilles rancoeurs mais où il a finalement choisi le point de vue de l’enfant qu’il était, un enfant témoin des horreurs de l’époque, mais tiraillé comme les autres protagonistes entre des sentiments très contradictoires.

Le film, souvent aussi symbolique que le double sens de son titre, est ainsi construit comme une série d’instantanés de l’époque, un temps où l’on vit dans la rue, où on connait tous les voisins, où l’on croise des 404, des eucalyptus, des vignes, du sable, des oliviers, des roseaux et des orangers, où on construit des cabanes sous les ponts de chemins de fer et où on meurt pour une pastèque. En dehors du terrain de foot, le seul terrain neutre finalement, c’est le cinéma, où Ali revoit inlassablement Los Olvidados de Bunuel, autre film sur les enfants des rues, sous l’oeil d’un projectionniste bienveillant. Juste retour des choses finalement, que le film ait été présenté à Cannes hors compétition en 2007.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver DE L'AUTRE CÔTÉ DE LA MER (Autre film sur l'indépendance de l'Algérie et ses conséquences) ou encore HOPE AND GLORY, LA GUERRE À 7 ANS (Un autre film sur la guerre vue par un enfant).

Mehdi Charef avait 10 ans en 62 et, dans le making of du film, il raconte que ce qu’il avait d’abord envie de filmer, c’était la vie des rues, que c’était ce qui lui avait le plus manqué dans les premières années de son arrivée en France. Un film très personnel donc, qui resta en gestation très longtemps, même s’il aurait aimé le tourner juste après Miss Mona, en 1986, dans lequel Jean Carmet incarnait un vieux travesti, et son deuxième film après le succès de son premier, en 84, Le Thé au harem d’Archimède.

Alors, c’est quoi la guerre pour les enfants? Mehdi Charef n’est certainement pas le premier à se poser la question. Ses prédécesseurs, dans ce qui finit presque par constituer un genre cinématographique à part entière, sont nombreux et glorieux. A commencer par Roberto Rossellini en 48 qui tourne dans Berlin dévastée son Allemagne année zéro, film très sombre où le jeune héros tente de survivre à la débâcle et apprend la dure vie de la rue au sein d’une bande d’ados.

Et pour en revenir à un registre plus autobiographique, on pourrait mettre en regard deux films sur la seconde guerre mondiale, sortis tous les deux en 1987. Hope & Glory, la guerre à 7 ans, du britannique John Boorman où un petit garçon vit le blitz allemand sur Londres en 1940-41, soit 8 mois de bombardements ininterrompus; et Au Revoir, les enfants où Louis Malle racontait le traumatisme de sa jeunesse à Fontainebleau, quand trois jeunes juifs de son internat furent arrêtés et déportés avec le père qui avait accepté de les cacher. Et pour finir sur une note plus fantasmagorique, citons Le Labyrinthe de Pan, de Guillermo Del Toro, qui place son héroïne de dix ans au confluent d’un conte de fée et de l’Espagne franquiste du printemps 44.