GRAFFITI BRIDGE

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Rogers Nelson est plus connu sous le nom de Prince. Ce prince de la musique funk, star des années quatre-vingt, n’a jamais caché sa passion pour le cinéma, et Graffiti Bridge est le troisième et dernier long métrage qu’il a réalisé, après Under the cherrymoon et le concert filmé Sign’O The Times.  

Ceux qui ont vu le fabuleux Purple Rain, malgré toutes les mauvaises critiques lors de sa sortie en France, trouveront beaucoup de ressemblance entre les deux films. Graffiti Bridge a été pensé comme une suite directe de Purple Rain puisqu’on y retrouve le même héros, incarné par Prince, devenu entre temps une star de la musique pop rock. Mais plus qu’une suite, Graffiti Bridge s’apparente plutôt à un remake puisque les développements de l’intrigue sont quasiment identiques, de l’affrontement avec un chanteur charismatique interprété par Morris Day à son amour pour une égérie volcanique. Mais cette fois-ci, Prince contrôle tout puisque c’est lui qui signe la mise en scène contrairement à Purple Rain réalisé par Albert Magnoli.

Graffiti Bridge est un musical original qui enchaîne tous les morceaux de l’album de Prince sorti en parallèle, et portant le même titre. C’est un vrai film rock’n roll, entièrement dédié à la gloire de Prince, artiste à la fois génial et aussi complètement fou. Il est rare de voir un artiste se livrer de la sorte, flirtant sans cesse entre le génie et le ridicule.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver PURPLE RAIN (Le film matrice de Graffiti Bridge puisqu’il raconte peu ou prou la même histoire, mais sa bande originale est constituée des morceaux de l’album du même nom, Purple Rain, qui reste aujourd’hui encore un des classiques de l’histoire du rock.) ou encore 8 MILE (Comme Graffiti Bridge, 8 mile est un film musical biographique dans lequel l’artiste en question joue son propre rôle et raconte donc sa vie de façon à peine romancée.).

Les rapports entre Prince et le cinéma furent compliqués et commencèrent par un malentendu génial. Purple Rain, l’album, fut une déflagration dans le monde de la musique pop et connut dès sa sortie un succès public et critique. Prince, passionné par le monde de l’image, voulu qu’un film  accompagne intégralement  le disque (ou le cd ou l’opus ?)  tout en racontant sa vie. Ce film connut un grand succès aux Etats-Unis et dans le monde, et il n’y eut bien que la France pour s’en désintéresser. Un deuxième film fut alors mis en chantier, Under the cherrymoon, tourné en France sur la côte d’Azur avec Kristin Scott Thomas et mis en scène par la clippeuse Mary Lambert. Mais l’artiste à l’égo démesuré licencia rapidement la cinéaste pour incompatibilité d’humeur et la remplaça au pied levé. Tout le monde ou presque se moqua du résultat. Après sa captation de la tournée Sign’O the times, Prince voulait prouver avec Graffiti Bridge qu’il pouvait être un vrai metteur en scène, contrôlant le projet de A à Z. Malheureusement pour lui, les résultats furent inversement proportionnels à ceux de Purple Rain et il fut raillé pour sa prétention et son égo surdimensionné. Il signa là la fin de sa carrière de cinéaste.

Prince, outre ses talents de musicien, était reconnu pour sa capacité à trouver des égéries, en général des jeunes femmes plantureuses, pour lesquelles il écrivait des morceaux et les imposaient dans ses films ou dans ses clips. Ingrid Chavez, l’héroïne de Graffiti Bridge, est une mexicaine venue tenter sa chance à Minneapolis, le lieu où se déroule l’action du film. Au cours d’une audition, elle fait la connaissance de Prince qui apprécie sa voix et les poèmes qu’elle écrit. Un disque naitra de cette union musicale et amoureuse. Prince l’impose dans Graffiti Bridge dans un rôle, paraît-il, refusé par Madonna car jugé trop mal écrit. La mésentente avec Madonna ne s’arrêta pas là, puisque Ingrid Chavez fit un procès à la star de la pop pour n’avoir pas été créditée comme coauteur des textes de la chanson Justify my love. Elle gagna son procès et empocha les royalties qui vont avec.

L’album Graffiti Bridge, le douzième de Prince, connut un accueil bien meilleur que le film. Si on peut contester sa fibre de metteur en scène, son talent musical, lui, ne l’est pas. Pour les puristes, il y a là l’un de ses meilleurs albums de la décennie quatre vingt dix. Sur certains titres, Prince démontre son aisance à jouer de tous les instruments comme sur le morceau Can’t stop this feeling I got. Mais, Prince, aussi égoiste soit-il, a toujours su laisser un peu de place aux autres.  On retrouve ainsi quelques collaborations  flamboyantes comme sur We can funk où on trouve  le grand George Clinton ou Round and Round chanté en solo par le tout jeune chanteur de R&B Tevin Campbell. Signalons que la plupart des morceaux avaient en fait été composés au cours des années quatre-vingt et ne l’ont pas été spécialement pour le film.