JEANNETTE : L'ENFANCE DE JEANNE D'ARC

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Domrémy, 1425. Jeannette n’est pas encore Jeanne d’Arc, mais à huit ans elle veut déjà bouter les Anglais hors du Royaume de France. Cette nouvelle évocation cinématographique du personnage de Jeanne d’Arc, réalisée par Bruno Dumont, se singularise radicalement en s’inspirant de deux ouvrages de Charles Péguy :  Jeanne d’Arc et Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc. Le premier date de 1897 et le second de 1910. Mais au texte du poète français, Dumont ajoute les compositions électro pop-rock signées Gautier Serre alias Igorr et les chorégraphies de Philippe Decouflé.

Jeannette de Bruno Dumont est donc un film musical qui fait se rencontrer la poésie du siècle précédent et la musique la plus contemporaine. Attelage improbable a priori mais que Bruno Dumont revendique hautement. Et d’expliquer que pour que de nos jours la poésie ne reste pas lettre morte, il faut impérativement lui adjoindre une musique d’aujourd’hui. Ce que le cinéaste résume de la façon suivante : « La musique fut d‘évidence comme l’éclair, capable de donner au texte la poussée et le souffle : à elle, la partition ; à Péguy, le livret… Un opéra cinématographique fut ainsi inventé ! »

Avant de découvrir le film, il convient d’insister sur le fait que tous ses chants et ses dialogues sont issus des textes de Péguy, in extenso. Seules quelques coupes ont été faites pour les besoins de la mélodie et du rythme. Faire entendre le style de Péguy était en effet au centre des intentions premières du cinéaste.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver PARKING (Quand le tandem Demy-Legrand s’attaquait au mythe d’Orphée par le biais d’un film musical) ou encore LA PASSION DE JEANNE D’ARC (Des très nombreux films réalisés sur la vie de Jeanne d’Arc, le film que Carl Theodor Dreyer réalisa en 1927 demeure l’un des plus aboutis).

Fidèle à sa région d’origine, Bruno Dumont n’a pas tourné Jeannette en Lorraine comme la vraisemblance historique pouvait l’exiger. Selon le cinéaste, peu importe. Tout selon lui est transposition, tout est transfiguration. Jeannette, dit-il, ainsi ne marche pas dans la Meuse mais dans notre imagination. Et d’ajouter pour enfoncer le clou : « C’est du cinéma et nous le savons bien. Cela ne diminue en rien la sincérité des émotions. » Dumont place ainsi le spectateur au centre de son film et c’est la raison pour laquelle son héroïne nous regarde à plusieurs reprises dans les yeux.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le personnage de Jeanne d’Arc n’a jamais laissé le cinéma et les cinéastes indifférents. Selon Dumont, la future Sainte incarne à elle toute seule la France, capable de rassembler autour d’elle et de sa mémoire et la droite et la gauche. Raconter la vie de Jeanne d’Arc, c’est dire et faire entendre ce qu’est la France, tout simplement, nous dit Dumont.

De fait, bien des cinéastes, français et étrangers, ont avant lui porté ce destin sur grand écran. Tout a même commencé en 1898 : le cinématographe n’a pas trois ans d’existence que les frères Lumière consacrent déjà à l’exécution de Jeanne d’Arc une « bande », comme on dit alors. Suivront des œuvres réalisées par Méliès, Cecil B. de Mille, Dreyer, Fleming, Preminger, Delannoy, Bresson, Rivette ou bien Besson et tant d’autres encore. Et pour incarner la jeune fille, on fit appel à Renée Falconetti, Michèle Morgan, Ingrid Bergman, Jean Seberg, Florence Delay et Sandrine Bonnaire, pour ne citer qu’elles. Parions que Bruno Dumont et Lise Leplat Prudhomme ne seront pas les derniers de cette longue liste.

Confirmation que Dumont a migré vers une autre galaxie, ce mec est un malade. Son film est un mélange totalement baisé entre Bresson et un Demy noyé dans la bière. Il déconstruit totalement le film musical, déjoue l'idée de mouvement, de chorégraphie, de chant "juste". ...

J'en ai mis du temps avant de pouvoir voir Jeannette, mais je ne suis pas déçu, surtout comme que toujours chez Dumont, ses films marquent durablement. Il le disait lorsqu'il faisait P'tit Quinquin, déjà pour Arte, mais lorsqu'il fait Hors Satan, le spectateur peut se rendre ...

Dans le morne paysage de cette année cinématographique 2017, Jeannette, comme Okja, apporte un vent de fraîcheur qui est franchement le bienvenu. Cinéaste devenu complètement imprévisible, Bruno Dumont surprend à chaque film. Le pari était pourtant pour le moins risqué : ...