L'AMOUR EST UN CRIME PARFAIT

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"Un jour, on tournera un polar en Suisse", cette phrase lancée comme une boutade sur le tournage de Peindre ou faire l'amour par Jean-Marie et Arnaud Larrieu, est devenue réalité quelques années après. Adaptant un roman de Philippe Djian, Incidences, ils élaborent une sorte de thriller amoureux autour d’un personnage de prof de littérature, séducteur impénitent.

Dès les premiers plans, le mystère plane. Une route de montagne, la nuit, un couple circule en voiture quand surgit un loup dans les phares du véhicule. Quelques instants plus tard, la jeune femme sur un lit invite l’homme à la rejoindre. Elle est dévêtue, mais a pris le soin de masquer ses yeux par un loup. Bientôt on va apprendre l’inexplicable disparition de cette étudiante.

Mathieu Amalric, acteur fétiche des frères Larrrieu, est dirigé ici pour la quatrième fois par les réalisateurs. Il retrouve Karin Viard, sa partenaire dans Les Derniers jours du Monde, ici dans le rôle de sa sœur à laquelle l’unit une relation trouble. Maïwenn, elle, incarne la mère de la disparue. Quant à Sara Forestier, elle interpète une étudiante en demande de cours très particuliers, dans cette "histoire avec des situations hitchcockiennes et des dialogues rohmériens", pour reprendre une formule d’Arnaud Larrieu.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver AU COEUR DU MENSONGE (Un thriller autour d'un prof soupçonné d'avoir tué son élève) ou encore LES DERNIERS JOURS DU MONDE (Une autre réalisation des frères Larrieu interprétée par Mathieu Amalric et Karin Viard).

L’Amour est un crime parfait oppose constamment un monde primitif, proche de l’animalité et un univers contemporain ultra sophistiqué. Le récit est ainsi traversé par une tension et la  mise en scène se nourrit d’un mélange de rêve et de réalité, de vie intérieure et de vie extérieure qui établit une certaine distance avec le naturalisme. L’écriture singulière du film  porte même la marque du surréalisme qu’affectionnent particulièrement les frères Larrieu. De façon explicite, Marc projette à ses étudiants L’Âge d'or, œuvre surréaliste de Luis Bunuel et il cite aussi l’écrivain André Breton. La question des signes au cœur de ce mouvement artistique passionne les cinéastes et ils font ainsi évoluer leur héros dans un monde de signes. Au spectateur aussi de le déchiffrer.

"Ce qui marque le plus une personne, ce ne sont pas tant ses expériences passées que les paysages dans lesquels elle a vécu", cette phrase de l’auteur japonais Kazuo Kamimura  fait partie des nombreuses citations égrenées par le personnage de Mathieu Amalric au fil du film. Le paysage est en effet dans L’Amour est un crime parfait plus qu’une simple toile de fond, c’est une composante fondamentale. Natifs des Pyrénées, les frères Larrieu ont été sensibles à la beauté des Alpes et en font un cadre tantôt merveilleux avec ses étendues de neige, tantôt inquiétant avec ses zones d’ombre, ses gouffres profonds.Les décors urbains sont tout aussi importants que les paysages naturels. L’extraordinaire campus de l’Ecole Polytechnique de Lausanne conçu par l’agence d’architecture japonaise SANAA offre aussi un cadre fascinant. C’est une sorte de projection du cerveau de Marc, avec ses trous, ses dénivellations, ses ouvertures, ses points de fuite. Doté de très nombreuses et vastes parois vitrées, ce bâtiment était parfait pour servir l’esthétique des Larrieu puisqu’il leur donnait la possibilité de cadrer simultanément un paysage et une action en intérieur. "Quand on n’a pas de fenêtres dans un plan d’intérieur, cela nous terrorise" confie Jean-Marie Larrieu.