L'INCONNU DU NORD-EXPRESS

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Dans le genre, on ne peut pas faire beaucoup mieux. A part peut-être Hitchcock. Ah, mais quelle coïncidence, c’est justement un film d’Hitchcock ! Ou plus exactement : du Highsmith adapté par Chandler adapté par Hitchcock. Quelque chose comme fromage ET dessert. Et puis encore dessert !

Avec au menu, un festival de scènes imbattables, presque toutes entrées au panthéon du cinéma : à commencer par la scène d’ouverture, incroyablement efficace, où Hitchcock ne filme que des chaussures. Et puis, bien sûr, l’apparition du maître avec sa contrebasse ; la scène de meurtre, vue dans le reflet des lunettes de la victime, sur fond de fête foraine ; la tête immobile de l’assassin, parmi les visages en cadence des spectateurs d’une partie de tennis... Que du très bon ! Sans oublier, bien sûr, la pièce maîtresse, l’idée de l’échange des meurtres... bon, je vous laisse, vous avez un train à prendre. Ah, dernière chose quand même, Patricia Hitchcock est bien la fille d’Alfred.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE CRIME ÉTAIT PRESQUE PARFAIT ou encore UNE FEMME DISPARAÎT .

Bon, pour être fair play, il faut préciser que Chandler n’est pas pour grand-chose dans le scénario, il s’est même très mal entendu avec le « gros enfoiré» (c’était le petit nom qu’il donnait à Hitchcock sur le tournage). Quant à Patricia Highsmith, L’Inconnu du Nord-Express était son premier roman : le succès du film, sorti un an après le livre, en 1951, a sacrément contribué à faire décoller sa carrière. En 1955, elle créera le personnage de Monsieur Ripley, dont elle tirera 5 romans. Un Ripley qui sera incarné pour la première fois à l’écran en 1960, par Alain Delon. Ce Plein Soleil, de René Clément avec Maurice Ronet, n’en finit d’ailleurs pas de bien vieillir. Ripley reviendra en 77, sous les traits de Dennis Hopper, dans L’Ami américain, de Wim Wenders et, en 99, c’est Matt Damon qui sera Le Talentueux Monsieur Ripley d’Anthony Minghella.

En revanche, pas d’autre adaptation de l’œuvre d’Highsmith de la part d’Alfred. Il faut dire qu’il a suffisamment de pain sur la planche ; après L'Inconnu du Nord-Express, il lui reste à tourner au cours de cette même décennie : La  Loi du silence (avec Montgomery Clift), Le crime était presque parfait (avec Ray Milland et Grace Kelly), Fenêtre sur cour (avec James Stewart et Grace Kelly), La Main au collet (avec Cary Grant et Grace Kelly), Mais qui a tué Harry ? (avec Shirley MacLaine), une deuxième version de L’homme qui en savait trop (avec James Stewart et Doris Day – et Daniel Gelin), Le Faux Coupable (avec Henri Fonda), Vertigo (avec James Stewart et Kim Novak) et, peut-être le meilleur de tous ?, La Mort aux trousses, avec Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason, Martin Landau... Et cet excellent Leo G. Carroll, avec sa drôle de tête longue, que nous venons de voir en sénateur-gâteau. Un Leo G. Carroll, célèbre pour avoir été le chef des Agents très spéciaux dans la série télé du même nom, et qui tournera en tout 6 fois avec Hitchcock, puisqu’à ces deux films-là, il faut ajouter Soupçon, Rebecca, La Maison du Dr Edwardes et Le Procès Paradine.

Pour en revenir au film, on peut discuter la performance de Farley Granger, qui ne sort pas beaucoup de ses petits airs ennuyés (d’ailleurs Hitchcock avait expliqué à François Truffaut qu’il aurait préféré William Holden) ; en revanche, celui qui n’est pas discutable, c’est Robert Walker dans le rôle de Bruno Antony. Alors, pourquoi ne l’a-t-on jamais revu depuis ? Tout simplement parce qu’il est mort, deux mois après la sortie du film. Une crise cardiaque à 32 ans. L’Inconnu du Nord-Express, c’était bien lui.