LA FIÈVRE DE PETROV

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Adapté d'un roman subversif et nihiliste de l'estonien d'Alexeï Salnikov (publié en France aux éditions des Syrtes en 2020) , La fièvre de Petrov est un long trip hallucinatoire. Avec un filmage quasi “psychotropique” oscillant entre le vidéo clip et les hommages visuels aux films de grands réalisateurs réputés tel Alexandre Sokourov ou Andreï Takovsky. Un délire visuel et surréaliste intense entrainant le spectateur dans un long cauchemar baroque ou l'on peine à reprendre son souffle. 

Pendant 2h26, on est collé aux basques d'un certain Petrov. Un russe lambda qui, enfiévré par la grippe et l'alcool, est entrainé par son meilleur ami dans une déambulation sans fin dans les rues hivernales d 'Ekaterinbourg, petite ville de la Sibérie occidentale. Une ballade mortifère et désespérée bardée de séquences aux arrières gouts de fin de monde. Avec, notamment, une bibliothécaire prise de pulsions meurtrières, une beuverie à l'intérieur d'un corbillard et des civils abattus en pleine rue. Le cerveau ravagé et régulièrement hanté par des images de son passé enfantin , Petrov finit par ne plus faire la différence entre rêve et réalité. 

C'est la métaphore sur une Russie délétère gangrénée par le totalitarisme qui fait la force de ce long métrage pulsionnel et contestataire sur le pouvoir “Poutinesque” en place. Le réalisateur Kirill Serebrennikov, bête noire du pouvoir russe à cause de ses créations théâtrales et cinématographiques contestataires, reconnaît lui même qu'il a tourné son film dans un état secondaire. Comme un exutoire, une joie essentiel, voire une bouée de sauvetage précise t'il.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver MY NAME IS JOE (En retraçant les amours entre un chômeur et une assistante sociale, le cinéaste anglais Ken Loach dresse un nouvel état délétère de son pays.) ou encore BARFLY (Evocation éthylique du célèbre écrivain alcoolique Charles Bukowski. Un film puissamment enivrant avec un Mickey Rourke magnifiquement enivré.).

Sensation de la compétition cannoise en 2021, La fièvre de Petrov a été projeté sur la croisette sans la présence de son réalisateur. En effet puisque Kirill Serebrennikov était sous le coup d'une interdiction de sortie du territoire après un procès où il était accusé d'avoir (sois disant) détourné l'équivalent en roubles de 1,7 millions d'euros de subventions obtenues pour ses créations théâtrales. 

Né en septembre 1969, Kirill Serebrennikov devient un des réalisateurs attitrés de la télévision russe dés le début des années 90 où il aligne de nombreuses publicités et autres documentaires. Mais il est surtout connu en Russie pour ses mises en scène de spectacles. A tel point qu'il devient en 2012 le directeur du théâtre dramatique de Moscou. En 2018, il se fait remarquer à l'international avec Leto, délire utopique et musical sur la culture rock undergound de Leningrad. Un film où il montre l'autre face de son pays : celle d'une jeunesse russe joyeuse et pleine d'espoir tentant encore de s'amuser dans un semblant de totalitarisme ambiant. 

Serebrennikov synthétise son film en ces termes : La fièvre de Petrov est une tentative d’exprimer ce que la Russie est pour nous à travers l’empathie, le partage de nos souvenirs d’enfance, de nos peurs, de nos joies, en racontant au public ce qu’on aime et ce qu’on déteste, ce qui nous fait enrager, ce qu’on adore, en partageant notre solitude et nos rêves.

Kirill Serebrennikov a adapté le roman d’Alexeï Salnikov, Les Petrov, la Grippe, etc., une œuvre littéraire très proche de son propre univers, où réalité et fantasmes se côtoient. Le film qu’il en tire, La Fièvre de Petrov, parvient à mettre en images, et c’est ...

Leto, sensation du Festival de Cannes 2018, avait certes un peu préparé le terrain pour appréhender le cinéma de Kirill Serebrennikov : lyrique, rageur, musical, ample et habité. Pourtant, ce nouvel opus va clairement malmener son spectateur, qui va devoir plonger sans garde-fous ...

Kirill Serebrennikov devrait demander à ne plus faire partie de la compétition cannoise. Déjà en 2018 le jury avait totalement snobé son immense "Leto", ratant ainsi une occasion de couronner un film à la fois exigeant, brillant en terme de cinéma et pourtant abordable. ...