LA SAINTE FAMILLE

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Au cœur de cette Sainte famille, Jean, anthropologue réputé, qui se retrouve sans crier gare ministre de la Famille. C’est d’autant plus troublant qu’il est lui-même un rien paumé au milieu des siens. Sa femme, qui songeait à le quitter, est enceinte… A la demande de sa mère, il doit se lancer dans le partage de l’héritage de sa grand-mère, pourtant encore de ce monde… Il renoue avec sa cousine, pour laquelle il éprouve un évident désir. Mais rassurons-nous, notre homme est un funambule, il en vues d’autres.

La famille est évidemment un thème inépuisable pour romanciers et cinéastes, et nous ne dresserons pas ici la liste des films qui l’ont placée au cœur de leurs interrogations, la journée n’y suffirait pas. Signalons néanmoins que La Sainte Famille privilégie la demi-teinte, à des kilomètres de toute une tradition cinématographique, celle de Festen, qui préfère les couleurs vives et les sentiments violents.

Mais si le film parle de la famille, Louis-Do de Lencquesaing se range également dans une famille de cinéastes. Comme s’il avait cherché à trouver un compromis entre Sautet et Truffaut. Il y a sept ans, notre homme tournait Au galop. Il n’a donc pas vraiment galopé pour tourner ce second film. Mais l’exégète y retrouve néanmoins ses petits. C’est d’ailleurs le cinéaste qui incarne dans les deux cas le rôle central. Sa fille, Alice, qui incarnait… sa fille, Camille, dans le premier opus, n’est plus de la partie. Mais c’est de nouveau Marthe Keller qui se love dans le rôle de la mère.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver CONTE DE NOËL (C'est une autopsie d'une famille tentaculaire) ou encore L'EXERCICE DE L'ETAT (Il confronte l'exercice du pouvoir aux démons intimes de celui qui l'exerce).

La Sainte Famille possède un talon d’Achille, à savoir une certaine nonchalance, une ivresse du flou, qui est aussi celle du personnage principal. Mais c’est sans doute aussi sa force, ce qui lui permet d’échapper à tout didactisme. C’est sur la pointe des pieds, mais sans pour autant se défiler, que le film aborde tous les sujets qui fâchent et sort tous ses squelettes du placard, les histoires d’argent, les sentiments émoussés entre parents et enfants, les couples en équilibre instable, l’homosexualité mal assumée, la libido désordonnée, la PMA, etc. Mais il n’est pas nécessaire d’avoir étudié Freud pendant des années pour savoir que la famille est un nid fécond pour toutes les névroses du monde.

Louis-Do de Lencquesaing a une image de dandy désinvolte et mélancolique. Et ce n’est certainement pas son personnage ni ce film qui va rebattre les cartes. La Sainte Famille est définitivement un film en équilibre sur un fil. Parfois distant, à l’image des personnages, décidé à ne pas donner trop de poids aux différents enjeux personnels et sociétaux, le film ne manque pas de charme, qui distille une délicieuse ironie, dont on sent que son signataire l’exerce en partie vis-à-vis de lui-même. Nous sommes aux antipodes de la Fête de famille de Cédric Kahn, débarqué dans les salles au même moment, et qui de son côté n’hésitait pas à surdramatiser les moindres faits et gestes de la maisonnée.

Il est évidemment tentant de demander quelle est la part autobiographique du personnage que le réalisateur s’est justement attribué. Nous ne jouerons ni les inquisiteurs ni les psys de bazar, mais nous remarquons néanmoins que Louis-Do de Lencquesaing possède une particule et que le personnage qu’il incarne affiche cette morgue un peu aristocratique et un rien désabusée qui fleure bon la France éternelle. Et catholique. Même si ses racines sont plutôt belges. Il est le premier à s’en amuser, puisque le vouvoiement est de rigueur entre la mère et le fils au sein de cette Sainte famille. Voyons-le comme une métaphore de ce film entre deux eaux.