Elisabeth, personnage de Wagner est incarnée par la cantatrice Karin Anderson, personnage inventé par Istvan Szabo, et à qui Glenn Close prête son jeu et son physique. Et oui, les films sur le spectacle sont comme des poupées russes. Glenn Close est d’ailleurs double dans cette œuvre puisque sa voix de scène lui est prêtée par Kiri Te Kanawa, célèbre soprano maori que les mélomanes connaissent bien. Ca fait beaucoup de monde dans un seul corps. L’actrice a d’ailleurs confié avoir énormément travaillé l’attitude, l’élan du corps et les phrasés si caractéristiques des chanteurs d’opéra.
A l’époque la star américaine joue les méchantes depuis ses triomphes dans Liaison fatale (1987 ) et Les liaisons dangereuses ( 1988). De son côté le maestro Arestrup était en ce temps-là un solide acteur de théâtre qui à la manière d’un Kinski dont il possède le style et la morgue avait bourlingué dans un cinéma franco-européen de série B. Même si on l’avait vu chez Ferreri, Lelouch, Boisset ou Duval il restait un second couteau avec une gueule. Il avait un peu défrayé la chronique en 1984 après que Isabelle Adjani ait quitté la scène de Mademoiselle Julie au théâtre parce qu’elle ne s’entendait pas avec lui. La tentation de Venus est son premier grand rôle au cinéma et ce film lui servira longtemps de viatique. Jusqu’à sa rencontre avec Jacques Audiard et les deux magnifiques personnages des remarquables œuvres que sont De battre mon cœur s’est arrêté (2005) et Le prophète (2009). Tourné à Budapest le film est aussi classique que sa musique. D’une manière générale le cinéma d’Istvan Szabo n’est pas connu pour être très novateur. Pour autant l’artiste pratique avec un soin exceptionnel un cinéma romanesque, proche d’une convention théâtrale mitteleuropa. Pas si loin d’ailleurs d’un Luchino Visconti même s’il n’en a ni les langueurs ni les stars. Szabo signe là le premier film d’une carrière américaine qui en fera le cinéaste hongrois le plus connu au monde. On se souvient de films comme Sunshine, Taking sides ou Being Julia.
En 2006 il a été dit que le cinéaste avait jadis été informateur pour la police secrète du régime communiste hongrois. Victime d’un chantage il avait dans ses années de formation espionné et dénoncé certains opposants dans les milieux artistiques à Budapest dont le cinéaste Miklos Jancso. Une sorte de mac carthysme à l’envers dont il s’expliquera et pour lequel il recevra l’absolution de ses pairs. Toute son œuvre est marquée par le compromis, la compromission...