LE COLONEL CHABERT

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Pratiquant la demi-teinte, Le Colonel Chabert n’en est pas moins l’un des films les plus poignants qui soient. Qui brosse le portrait d’un ancien officier d’empire, blessé à la bataille d’Eylau, qui mettra dix ans à retrouver les siens. Pour s’apercevoir qu’on ne l’attendait plus…

Au départ, Le Colonel Chabert est un superbe roman de Balzac, classé dans la Comédie humaine parmi les Scènes de la vie privée, paru sous sa forme définitive en 1844. Si Chabert ne revient pas dans les autres livres de Balzac, ce n’est pas le cas de l’avoué, Derville, qui lui pointe le bout de son nez dans Le Père Goriot ou Splendeurs et Misères des courtisanes.

Le roman est plusieurs fois porté à l’écran. En France en 1911, en Italie en 1920, en Allemagne en 1932. Mais c’est l’adaptation de René Le Hénaff avec Raimu dans le rôle-titre, en 1943, alors que la France ploie sous la botte nazie, qui reste dans toutes les mémoires. Ce qui ne veut pas dire que le film d’Angelo avec Gérard Depardieu ait quoi que ce soit à lui envier… 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE RETOUR DE MARTIN GUERRE (Il s'agit d'un autre film historique, avec Gérard Depardieu de surcroît, qui raconte le retour d'un homme que sa femme n'attendait plus...) ou encore MONSIEUR N (C'est un film bluesy sur la nostalgie de la grandeur napoléonienne.).

Nombre de films d’époque sont souvent mis au soi-disant goût du jour, surenchère visuelle et montage accéléré à la clé. Ce n’est heureusement pas le choix d’Yves Angelo dont le film est d’autant plus touchant que l’émotion ne nous est pas imposée, elle se mérite. Le film est avare d’effets, il est bien peu spectaculaire. A l’exception des quelques scènes qui nous entraînent au soir de la bataille d’Eylau, quand on brûle les morts après les avoir dépouillés de tout ce qui a une quelconque valeur marchande. Reste que le corps du film est constitué de scènes intimistes, dont la noirceur nous serre progressivement la gorge.

Le Colonel Chabert est le premier film d’Yves Angelo. Qui est pourtant loin d’être un inconnu quand il se lance dans la mise en scène. Car il est depuis une dizaine d’années l’un des directeurs de la photo les plus en vue du cinéma français. Il a travaillé avec Alain Corneau, qui lui restera fidèle jusqu’à son dernier film. Mais aussi avec Claude Sautet pour Un cœur en hiver ou Claude Berri pour Germinal. Ce qui lui vaudra trois César de la meilleure photo. Depuis lors, et sans abandonner sa carrière de chef opérateur, Angelo persiste comme cinéaste. Six films au compteur, dont le superbe Ames grises, adapté d’un roman de Philippe Claudel. 

Les détracteurs de Gérard Depardieu ne pourront pas cette fois-ci ne pas reconnaître son génie, car son jeu tout en nuances trouve sans forcer le chemin du cœur. La distance que créé d’ordinaire le film historique est comme annihilée. Il faut dire que Depardieu est dans l’Histoire comme un poisson dans l’eau : il a été Danton, Rodin, Cyrano de Bergerac, Marin Marais, Christophe Colomb, D’Artagnan, Vatel ou Mazarin, sans jamais cesser d’être lui-même. Et ce n’est pas la première fois non plus qu’il renoue avec ses premières amours après une longue séparation. Le Retour de Martin Guerre et La Femme d’à-côté traçaient le même sillon, avec déjà Fanny Ardant dans le film de Truffaut. Les amoureux ont plusieurs vies.

Le Colonel Chabert (M. Gérard Depardieu) est officiellement déclaré mort à la bataille d’Eylau, en 1807. Sa veuve (Mme Fanny Ardant) a épousé le comte Ferraud (M. André Dussollier). Or, il n’en est rien et l’intéressé réapparaît, à la stupéfaction générale. ...

Gérard Depardieu et Fabrice Luchini dans le même film, on ne pouvait pas rêver mieux pour adapter un classique de la littérature française, tant ces deux acteurs ont su magnifiquement donner vie à ses différentes figures, auteurs comme personnages. Et ici, ils sont donc ...

Primo, l'adaptation n'est pas complètement fidèle. Angelo condense le refus de Chabert, en enlevant la scène où la comtesse, croyant ne pas être entendu de lui, demande à son avoué si Chabert a signé. Dommage. Deuxièmement, le scénario fait de Derville une sorte de justicier ...