LE POINT DE NON-RETOUR

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Ceux qui veulent se faire rembourser d’avoir vu en 1999 Payback de Brian Helgeland avec un Mel Gibson tronchard et bouffi doivent, s’ils ne l’ont déjà fait, visionner impérativement Point Blank, Le Point de non-retour pour le titre français. D’abord parce que c’est l’original. Ensuite parce que Lee Marvin joue le rôle principal. Tertio parce que c’est presque le premier film de John Boorman.

Je dis presque parce qu’auparavant il y a Sauve qui peut comédie anglaise de 1965 tournée dans la foulée de ses travaux alimentaires pour la BBC. Mais Le point de non-retour est le premier film made in Boorman par son style, ses thématiques, sons sens du bigger than life. C’est d’ailleurs un film américain mais ce genre de film américain qui font un bras d’honneur à Hollywood. A l’époque c’était courant, il faut dire qu’on était en 1968…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver THE GETAWAY DE SAM PECKINPAH (1972) ou encore DIRTY HARRY DE DON SIEGEL (1971) .

Boorman travaillait sur un documentaire consacré à Griffith quand il s’assit un jour au restaurant de la MGM à la table d’un dénommé Judd Bernard. Ils sympathisent et, passent la soirée et une partie de la nuit ensemble. Ils ont de la cinéphilie à revendre, ça crée des liens : Bernard est un producteur américain qui a fait ses classes avec Selznick et Stanley Kramer et il vient de produire Croisière surprise avec Elvis. Quand ils se quittent copains comme cochons à deux heures du matin, Borman repart avec le script de Point Blank sous le bras.

Au même moment, dans la bonne ville de Londres, Lee Marvin tourne 12 salopards. C’est là, sur le set, qu’il reçoit lui aussi le script et que non seulement il va donner son accord pour jouer Walker, le bandit revenu d’entre les morts, mais qu’en plus il va donner le feu vert pour embaucher ce jeune réalisateur anglais si prometteur.

Vous apercevrez peut-être au générique un crédit de coréalisateur accordé à un dénommé Rafe Newhouse. L’homme ne doit sa place qu’au fait d’avoir détenu avec son frère Dave les droits du livre dont le film est tiré. Et là tombe un autre nom devant qui l’on fait révérence Donald Westlake ou plus précisément son pseudo Richard Stark, qui a signé en 1962 le roman The hunter. Westlake, Marvin, Boorman y’a du brelan d’as dans l’air.

Y’a aussi de l’anecdote. Boorman et son producteur ont vu leur dernière heure arriver quand l’avion qui les amenait à Toronto prit feu. Ils se dirent adieu mais finalement atterirrent. Ils venaient caster l’acteur canadien John Vernon. Ce film est aussi connu pour avoir été le premier à se servir du décor de la prison d’Alcatraz, fermée depuis 1963. A l’époque personne n’imaginait obtenir des autorisation pour s’installer sur l’ile du diable. Bernard le producteur avait un numéro à la Maison Blanche que lui avait donné Jack Valenti, à l’époque conseiller du président Lyndon Johnson. Il appelle son numéro et un homme lui répond. Le producteur se présente et demande à son interlocuteur qui il est, l’autre répond Lyndon Johnson. Et c’est ainsi en téléphonant sur la ligne directe du président que le film obtint ses autorisations officielles.

Sur le tournage Lee Marvin ne fut pas économe de ses poings et il tapa tellement fort sur le malheureux John Vernon que le malheureux en eut une crise de larmes. Heureusement il ne frappa pas la mythologique Angie Dickinson. Le film dérouta par son style visuel, ses choix chromatiques, ses parti pris antiréalistes. Mais ça n’empêcha pas le grand Lee d’aider Boorman à monter un de ses grands films, Duel dans le Pacifique. Passer d’un enfer à l’autre c’est tout ce qui plaisait à ce salopard.