LIBERTY BELLE

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Un adage veut que le cinéma français ait toujours eu des réticences à explorer l’histoire récente du pays. On ne compte pourtant pas les contre-exemples, ne serait-ce qu’en recensant les films qui, de la fin des années 70 au milieu des années 80, évoqua sans complexe la période entourant la Guerre d’Algérie. Certains pour aborder frontalement ce qu’on appelait alors « les événements », d’autres pour faire la chronique d’une jeunesse parisienne découvrant le militantisme. Liberty Belle est de cette seconde catégorie. Pour son second long métrage, Pascal Kané retrouve l’ambiance d’une classe d’hypokhâgne à l’automne 1959. Les surprises-parties, les longues conversations au bar entre deux parties de flipper (le Liberty belle du titre fait référence au nom d’une de ces machines), les premiers engagements politiques ou amoureux ; un univers qui était marqué jusque-là par le cinéma et l’esthétique de Roger Vadim. Kané le rénove, avec un sens de l’observation des plus justes. Il amena , dans la production française des années 80, un vent de fraîcheur qui n’avait pas soufflé depuis les débuts de la Nouvelle Vague, rappelant Les cousins ou Les tricheurs, ces films de Chabrol et Carné, tournés justement à l’époque revisitée par Liberty Belle, donc en prise réelle avec elle.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver SOUVENIRS, SOUVENIRS (Ariel Zeitoun, raconte dans cette chronique semi-autobiographique, la même période que celle couverte par Liberty Belle) ou encore LES COUSINS (L'un des premiers films de Claude Chabrol, sur la jeunesse dorée parisienne de la fin des années 50).

Dans une des scènes de Liberty Belle, des étudiants se lancent en plus d’une énième partie de flipper dans un duel cinématographique. Certains sont des pro-Antonioni, d’autres ne jurent que par l’action chez Raoul Walsh. Aucun des deux camps voulant démordre de sa position. Cette séquence prend tout son sens quand on sait que Pascal Kané est un ancien critique des Cahiers du Cinéma, revue qui fut souvent en bisbille avec les fameux Mac-Mahoniens, bande de cinéphiles défendant une vision différente du 7e art.

Liberty Belle fit d’ailleurs voir rouge certains anciens de cette bande lorsque le film les assimile à des fachos proches de l’OAS. Kané aura été plus fin avec son casting féminin : il permet avec Liberty Belle, à Dominique Laffin de revenir à l’écran après deux ans d’absence. Cette actrice singulière, diffusant une belle mélancolie aura traversé le cinéma d’auteur français des années 80 de Claude Miller à Jacques Doillon, de Christine Pascal à Claude Sautet. Liberty Belle sera l’un de ses derniers films, elle se suicidera en 1985. A l’inverse ce film marque les débuts officiels de Juliette Binoche, même si ce n’est que pour une seule scène et une seule réplique.