TANGO ET CASH

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« Rambo c'est une pédale ». Ce n'est pas moi qui le dit, mais Sylvester Stallone lui-même, dans le film Tango & Cash, alors qu'un flic juché sur un camion lui demande, provocateur, s'il se prend pour le fameux soldat rebelle. Lorsque Stallone tourne Tango & Cash, en 1989, Rambo est déjà vieux de 7 ans, et sa carrière commence à montrer des signes de fatigue, après une décennie au sommet des box-offices hollywoodiens. N'ayant joué pratiquement que dans des suites de ses franchises à succès, Rocky et Rambo donc, il se cherche un nouveau souffle, une nouvelle crédibilité.
Cette crédibilité, il croit la trouver dans le scénario de Tango & Cash, une comédie d'action mettant en scène deux flics opposés, dont l'un est aussi classieux et respectable, que l'autre est rustre et expéditif. Bien entendu, Stallone se verrait bien jouer le premier, Raymond Tango : un flic aux costumes chics et aux lunettes d'intellectuel, un homme dont rien ne remet en cause la virilité mais qui sait rester élégant en toute situation. Viril mais correct, donc, loin de l'image de brute qu'il traîne à ses dépends.
En tant qu'initiateur du projet, il se permet de recruter lui-même son partenaire, son buddy, celui qui jouera l'autre flic, Gabriel Cash. Il lui faut un acteur ayant suffisamment de poids à Hollywood pour garantir le succès, mais pas trop non plus, pour ne pas risquer de lui faire de l'ombre. C'est ainsi qu'après quelques tergiversations sur le nom de Patrick Swayze, c'est finalement Kurt Russell qui est choisi – Kurt Russell qui, faut-il le rappeler, était à l'époque surtout célèbre pour avoir joué Snake Plissken dans New-York 1997 de John Carpenter. Russell sera donc Cash, le flic aux mauvaises manières, aux cheveux longs et au pistolet à visée laser.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver 48 HEURES ou encore NEW-YORK 1997 .

Tourné par un réalisateur russe en exil à Hollywood, Andrei Konchalovsky, Tango & Cash est rapidement devenu un classique du buddy movie, ce genre qui fit florès dans les années 80 et 90, avec des titres comme, 48 heures, L'arme fatale ou Le flic de Beverly Hills. Un genre où, à vrai dire, l'histoire importe peu, car il s'agit surtout de jouir de situations musclées, de chamailleries incessantes entre les deux héros ou de punchlines testostéronées, telles que « Je vais te défoncer la cicatrice ». Le film est par ailleurs truffé de références à la série B. Outre la blague sur "Rambo est une pédale", on peut par exemple entendre un dialogue moqueur contre Schwarzegger, lorsque nos deux héros croisent un type à la mine patibulaire en prison et lui disent : « Eh mais c'est pas Conan le Barbare, c'est Capitaine couilles molles ! ». Ou bien encore une référence, très appuyée, à Jackie Chan : lorsque Stallone, au tout début du film, arrête un camion avec son seul revolver, il reprend en fait exactement une scène de Police Story...
Mais arrêtons-nous un instant sur le nom du réalisateur, étonnant à plus d'un titre. En effet, si l'on n'est jamais surpris de voir au générique d'un buddy movie le nom de Walter Hill,Tony Scott, Richard Donner, ou John Badham, l'association Konchalovsky-Stallone pose d'avantage question. Konchalovsky est en fait un pseudo. Son vrai nom est Andreï Mikhalkov, comme un autre célèbre cinéaste russe, Nikita Mikhalkov, celui-ci étant d'ailleurs son frère, dont il a ainsi cherché à se différencier. Il suffit de regarder la trajectoire de ce cinéaste pour constater l'incongruité de son parcours. Il commence ainsi le cinéma dans les années 60, aux côtés du plus grand cinéaste russe, Andreï Tarkovsky, avec qui il coécrit le scénario d'Andreï Roublev, en 1966. Puis dans les années 70, il signe plusieurs films remarqués en Occident, dans la mesure où ceux-ci prennent des libertés avec le dogme socialiste. C'est le cas de Siberiade, qui, après son triomphe cannois en 1979, lui ouvrira les portes d'Hollywood.
Il mettra du temps, 4 ans, avant d'y réaliser son premier film, Maria's Lovers, avec Nastassja Kinski qu'il épousera dans la foulée. Puis viendra un grand succès, Runaway Train en 1985, un film d'action palpitant, avec Jon Voight, dans un train, sur une idée originale d'Akira Kurosawa, qui va donner aux producteurs de Tango & Cash l'idée de l'embaucher quelques années plus tard. Hélas pour lui, ses relations avec Stallone sont calamiteuses et il se fait virer avant la fin du tournage, remplacé au pied levé par un tâcheron, Albert Magnoli. Il n'est pas la seule victime des caprices de la star, puisque Barry Sonnenfeld, futur réalisateur de La famille Addams mais à l'époque seulement chef opérateur, est lui aussi remercié, et remplacé. Ces péripéties expliquent donc les quelques approximations de la mise en scène, qui ne gâchent toutefois pas notre plaisir, un peu coupable il faut l'avouer.