DU MALI AU MISSISSIPPI

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Martin Scorsese ne se contente pas de nous livrer bon an mal an une trépidante fiction dont il a le secret et dont Les Infiltrés, dernier opus à ce jour, constitue l'un des exemples les plus fameux. Il se targue en effet depuis quelques temps de nous donner à voir des documentaires généreux et amples sur les sujets qui lui tiennent à cœur.
Cinéphile impénitent, c'est ainsi qu'il a produit dans les années 90 deux documentaires fleuve, le premier sur le cinéma américain (sans jamais cacher l'aspect totalement subjectif et personnel de ses choix) ; le second sur le cinéma italien. Mais celui qui fut le monteur du film Woodstock, qui filma le concert d'adieu du Band (The last waltz), qui signa un superbe travail de montage d'archives dans son Bob Dylan, no direction home, qui s'apprête à défendre un non mois passionnant travail sur les Rolling Stones, est aussi un fondu de musique. C'est à lui que l'on doit cette très complète série de films sur le blues.
La réalisation de chaque volet de la série a été confiée à un cinéaste différent, mais tous ont une passion partagée pour les musiques populaires du siècle, blues, jazz, rock. Ceux qui connaissent un peu l'œuvre de Wim Wenders ou celle de Clint Eastwood ne s'étonneront pas de les voir parmi les signataires de la série. Mais Scorsese s'est réservé l'un des volets, Feel like going home, rebaptisé de façon fort pédagogique Du Mali au Mississippi en français. Une façon de retrouver, on l'aura compris, les racines de cette musique, quelque part en Afrique...

 
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Ainsi s'achève Du Mali au Mississippi… En dépit de l'unité thématique de la série, chaque cinéaste avait la possibilité d'imprimer sa propre marque sur l'épisode qui lui avait été confié. Ou qu'il s'était octroyé concernant Martin Scorsese, bien évidemment. Scorsese donc a choisi de suivre les pas d'un bluesman d'aujourd'hui, Corey Harris à travers ses rencontres des bluesmen d'hier. Un fil conducteur des plus classiques mais qui a l'avantage de ne pas disperser l'attention du spectateur mélomane.
Le choix est assez judicieux. Si Corey Harris affiche un look de musicien de reggae, c'est bien le blues qui irrigue sa musique. Un blues en perpétuelle interrogation de ses racines. Comme le dit le principal intéressé : « En musique, je recherche l'harmonie et j'essaie toujours de m'intéresser aux choses que je ne connais pas ». Un credo qui a permis à ce musicien de 39 ans natif du Colorado d'enregistrer six albums depuis 1995, après avoir roulé sa bosse à travers le monde, en Afrique, mais aussi en France où il se plaît à revenir régulièrement. Persuadé que la musique est un formidable moyen de communion avec les autres (on le voit bien dans le film quand il joue avec Taj Mahal) il enregistre en 2003 un disque avec Boubacar Traoré et Ali Farka Touré à la suite du film de Scorsese qui le marque profondément.
Mais Du Mali au Mississippi ne lui est pas consacré, il n'en est que le vecteur. Nous ne citerons pas tous les musiciens croisés dans ce documentaire. Mais il est difficile de ne pas dire quelques mots de Salif Kéita, musicien hors norme s'il en est. Parce qu'il est né albinos dans une région de Mali où ceux-ci ont la réputation d'avoir des pouvoirs maléfiques, parce qu'il choisit de devenir musicien alors que cette activité est réservée en principe aux membres d'une autre ethnie, parce qu'il décide de mêler les musiques, d'unir tradition et modernité, parce que son éclectisme est aussi géographique et culturel (outre en sa terre natale, il a vécu en Côte d'Ivoire, aux Etats-Unis et en France, à Montreuil pour être précis). Comparer sa musique à celle des bluesmen américains, les Robert Johnson, les Son House, les Muddy Waters, les John Lee Hooker sont l'un des grands attraits du film, même si en l'occurrence certains de ces musiciens noirs américains puisent davantage leurs racines dans le blues urbain de la région des grands lacs que dans celui du delta du Mississippi dont il est question ici...