TRE PIANI

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Le destin croisé de trois familles qui habitent de nos jours les trois niveaux (« tre piani ») d’un même immeuble bourgeois dans un quartier résidentiel de Rome. Lucio et Sara, un couple de jeunes parents qui confient souvent leur petite fille à un couple de retraités qui vit sur le même palier qu’eux. Monica, épouse de Giorgio souvent à l’étranger, et bientôt mère. Enfin, au dernier étage, Dora et Vittoria, deux magistrats avec leur fils de vingt ans, André. Tels sont les personnages du film choral TRE PIANI  de Nanni Moretti. 

Il s’agit de l’adaptation de TROIS ETAGES, un roman de l’écrivain israélien Eskhol Nevo, écrite par le cinéaste avec la collaboration de Frederica Pontremoti et Valia Santella. Selon Moretti lui-même, « le livre aborde des thèmes universels tels que la justice, la culpabilité, les conséquences de nos choix et la responsabilité qui accompagne le fait d’être parent. » Et d’ajouter : « Les personnages, fragiles  et effrayés, sont mus par des peurs et des obsessions, et finissent souvent par accomplir  des actes extrêmes. » 

Comme l’a écrit Eskhol Nevo au moment de la sortie de TRE PIANI, le livre et le film existaient tous deux avant l’épidémie de COVID-19. Les mots « confinement », « distanciation sociale » et « isolement » ne faisaient pas partie de la vie quotidienne. Du coup, ils semblent nous rappeler combien les relations intimes sont porteuses autant que de bienfaits que de difficultés.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver FLEUVE NOIR (Ce film réalisé par Erick Zonca est lui aussi l'adaptation d'un roman israélien écrit par Dror Mishani) ou encore L'IMMEUBLE YACOUBIAN (Adapté lui aussi d'un célèbre roman, le film de Marwan Hamed fait d'un immeuble et de ses occupants le centre du monde.).

C’est Nanni Moretti lui-même qui a résumé la singularité du film par rapport au livre adapté : « Alors que dans le roman les histoires s’interrompent  au plus fort de la crise, dans le film il était important de les faire se dérouler jusqu’au bout, d’étudier les conséquences des choix faits par les personnages, de voir les répercussions que leurs actes ont sur leur vie et sur celle de leurs proches. » D’où l’entrelacement des histoires, chacune d’enter elles ayant été développée à l’origine comme s’il s’agissait d’un film distinct. 

« Que laisserons-nous à nos enfants ? » Cette phrase devient récurrente mais semble ne se poser qu’en termes écologiques. Moretti souhaite la poser tout autant en termes éthiques et moraux, persuadé qu’il est que « chaque geste que nous faisons, même dans l’intimité de notre foyer, a des conséquences qui affecteront les générations futures. » C’est précisément le message principal du film qui veut insister sur la responsabilité des parents à l’égard de leurs enfants. 

Comme le faisait déjà Eskhol Nevo dans son livre, Moretti avec TRE PIANI semble prôner un nécessaire retour vers la communauté, lui dont l’un des premiers films s’appelait joyeusement JE SUIS UN AUTARCIQUE. Désormais et sous couvert de l’adaptation et de la fiction chorale, le cinéaste italien porte son attention sur tout ce qui peut faire lien et unir celles et ceux qui habitent le même immeuble et ne doivent pas rester dans leur étage respectif…

A la sortie de "Julie (en 12 chapites)" de Joachim Trier, nous avions été interpelés par la contamination évidente – que le film traduisait peut-être malgré lui – du cinéma d’auteur par la forme sérielle, qui est devenue, qu’on le veuille ou non, la forme artistique ...

Retour en grâce de Moretti avec un film d'une profondeur et d'une émotion rarement égalée dans son oeuvre. C'est un film à ranger du côté de la Chambre du Fils ou du Caïman, mais qui je trouve va encore plus loin, et dans l'ampleur de la construction narrative, ...

Pour ceux qui ne connaissent pas encore Eshkol Nevo, espérons que Tre piani (Trois étages en traduction française) leur donne envie de se plonger dans l'univers de ce remarquable écrivain israélien (Le cours du jeu est bouleversé est incontestablement son meilleur roman mais ...