UNE GRANDE FILLE

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On le sait peu ou on le dit peu mais le rôle des femmes durant la seconde guerre mondiale a été essentiel, quelle que soit leur nationalité. Aux champs, à l’usine et à la maison, elles ont pris la place des hommes partis au front, morts, blessés ou prisonniers. Le mouvement inéluctable de l’émancipation, toujours pas achevé, part sans doute de là…

Ce qu’on ignore encore plus, c’est que les femmes ont aussi été actives au combat : « Une grande fille » montre exactement cela. Le jeune cinéaste russe Kantemir Balagov y dresse un double portrait féminin qui prend place à l’issue de la terrible bataille de Leningrad en Russie. Nous sommes en 1945, la ville n’est plus que ruines après l’interminable affrontement contre les troupes nazies. Iya l’infirmière et Masha la guerrière vont tenter d’émerger des décombres de leur vie d’avant et de bâtir un avenir incertain, face aux apparatchiks dont le quotidien a, lui, peu souffert des 4 années de combats.

Un film rugueux, minéral, divinement mis en scène et porté par deux comédiennes remarquables, Viktoria Miroshni et Vasilisa Perelygina…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver POUR SAMA (Filmer la guerre non pas du côté des batailles mais du point de vue de l'intime, auprès de celles et ceux qui la subissent au quotidien...) ou encore ATTAQUE SUR LENINGRAD (Le siège de la ville russe a été peu traité au cinéma : en voici les deux exemples filmés de points de vue forts différents et donc complémentaires...).

Les villes assiégées font partie des grands classiques de l’Histoire, des siècles, voire des millénaires après. Dans « Une grande fille », il s’agit d’une des plus longues batailles recensées puisque le siège de la ville russe a commencé en septembre 1941 pour s’achever en janvier 1944… 872 jours de tragédie qui fit près d’un million 800 mille morts et dont le cinéma s’est relativement peu emparé : mis à part ce film, « Leningrad » en 2009 avec Gabriel Byrne et Mira Sorvino l’avait déjà abordé sur grand écran.

Il faut dire qu’un autre affrontement dantesque sur le sol russe a marqué les esprits, celui de Stalingrad entre juillet 42 et février 43. Parmi la demi-douzaine de films tournés sur le sujet, citons celui de Jean-Jacques Annaud en 2001, relatant l’affrontement entre Jude Law et Ed Harris, tireurs d’élite russes et allemands dans les ruines de la ville… D’autres cités assiégées ont également inspiré le 7e art. Si l’on remonte aux origines de notre temps, celui de Troie raconté par Homère, (pas Simpson hein : je parle du poète et dramaturge grec), au 13e siècle avant Jésus Christ est un des plus fameux puisqu’il dura près de dix ans ! En 1961 le péplum italien intitulé simplement « La guerre de Troie » relate l’affrontement stratégique entre Enée le guerrier troyen et Achille le héros grec, stratège redoutable qui finira par l’emporter grâce au piège du gigantesque cheval de bois cachant des soldats. Episode mythologique que l’on retrouve aussi dans « Troie » le film de Wolfgang Petersen en 2004 avec Brad Pitt, Eric Bana ou Orlando Bloom…

Plus près de nous, le siège d’Alamo durant l’hiver 1836 et la révolution texane a donné lieu à plusieurs adaptations dont la plus fameuse mais aussi la plus douteuse historiquement est celle de et avec John Wayne en 1960. Citons enfin Sarajevo en Bosnie-Herzégovine d’avril 1992 à décembre 1995 dont « Jours tranquilles à Sarajevo » en 1999 ou « Au pays du sang et du miel » d’Angelina Jolie en 2011 rendent fort justement compte…

Deuxième film du jeune réalisateur Kantemir Balagov, tout juste trentenaire, Une grande fille prend son sujet à bras le corps, pour transférer le traumatisme des personnages sur le spectateur : le générique d’ouverture s’accompagne d’un éprouvant bruit de suffocation ...

La magie du Festival de Cannes, c’est aussi assister à des projections de films mystérieux dont on ne connaît rien en avance, sinon une image annonçant un film d’époque à la photographie alléchante. Une Grande Fille de Kantemir Balagov frappe un grand coup dans la sélection ...

C'est une véritable composition picturale qui ouvre « Une grande fille", découvrant en gros plan Iya, vêtue d'une blouse ocre à col vert vif, statue figée par une crise de tétanie. Puis, la caméra s'éloigne, la composition se fait plus large, gagne en profondeur et dévoile ...