WOLF

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Il est tentant de mettre au goûtdu jour les mythes et légendes du passé. L’exercice est intellectuellement stimulant, surtout si l’on trouve des concordances entre ces mythes intemporels et la situation actuelle. Des cinéastes tentent par exemple régulièrement d’adapter les vampires au monde d’aujourd’hui. On se souvient que Jean-Jacques Beineix a eu longtemps l’intention d’aborder le sujet, mais faute de financement le projet n’a pas vu le jour. Laissant aux Américains le soin d’imaginer comment ces immortels condamnés à se nourrir du sang des mortels pouvaient survivre dans les grandes métropoles. Même si c’est souvent sur le mode parodique. Il en est de même pour les loups-garous, cette légende aux origines mal identifiées selon laquelle certains hommes pourraient se transformer en loups les soirs de pleine lune. John Landis nous a d’ailleurs offert dans les années 70 un fort concluant Loup-garou de Londres, qui savait redonner un certain lustre au cliché sans pourtant se prendre totalement au sérieux. Avant de remettre le couvert quelques années plus tard avec son Loup-garou de Paris, à la réussite plus contestable.

Il est vrai qu’il est égalementtentant de délocaliser nos frayeurs enfantines, en quittant la forêt de tous les mystères pour la ville. Car si le loup fait peur en milieu sylvestre, à l’instar de son plus célèbre représentant, la bête du Gévaudan, il est totalement inattendu en milieu urbain. Mike Wadleigh l’a bien compris quand il a signé Wolfen, fable magistrale sur la mémoire de la Terre, dont l’action se déroulait, elle aussi à New York.

Wolf n’a rien à lui envier sur le plan de l’efficacité. Les effets spéciaux sont réussis, mais ils se gardent de tout envahir. Laissant aux personnages la possibilité d’exister, et par voie de conséquence de nous toucher. Reconnaissons aux responsables du film d’avoir su constituer un casting astucieux, Jack Nicholson, qui avait su quelques temps plus tôt faire preuve de sa capacité à incarner la folie la plus effrayante dans Shining étant associé à Michelle Pfeiffer, dont la fragilité diaphane nous avait émus dans Les Liaisons dangereuses et que nous rêvons tous de protéger. Ils incarnent d’une certaine manière l’indémodable tandem de La Belle et la Bête.

Mais au-delà des conclusions auxquellesnous sommes invités à souscrire sur l’avenir du couple, il faut bien admettre que le film a aussi une ambition sociologique, voire politique. Il n’est pas indifférent que ce soit le monde de l’édition qui est ici pointé du doigt, car les grenouillages propres à toute entreprise accompagnent pour la circonstance une réflexion sur la production intellectuelle. Difficile de ne pas avoir une pensée émue pour le pauvre "nègre" du récent Ghostwriter de Polanski. Qui lui aussi nous fait pointer du doigt une évidence : l’homme est bel et bien un loup pour l’homme.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver FRANKENSTEIN DE KENNETH BRANAGH ou encore LA BRULURE .

Compte tenu de la diversité deson inspiration, Mike Nichols, le réalisateur du film, n’est assurément pas un auteur au sens habituel du terme. Mais c’est un vieux routier d’Hollywood, à qui l’on doit pas mal de réussites incontestables. On sait qu’il débute au cinéma au mitan des années 60 avec ce qui restera un moment clé de la carrière d’Elizabeth Taylor, Qui a peur de Virginia Woolf ? On sait moins que ce cinéaste américain naît en Allemagne dans les années 30, sous le nom de Michael Igorevitch Peschkowsky, de parents juifs d’origine russe, ce qui à l’époque n’est pas très populaire à Berlin et dans ses environs. D’autant que son grand-père s’est fait remarquer comme théoricien anarchiste quelques décennies plus tôt. Ses premières années aux Etats-Unis ne sont pas aisées, mais la fièvre du théâtre le saisit il se met à fréquenter Lee Strasberg et son Actor’s studio. Ce qui lui permettra de mener une carrière théâtrale souvent exigeante tout en signant pour le cinéma des films populaires souvent réussis, pas toujours. Citons pour la bonne bouche Le Lauréat, qui lance Dustin Hoffman, Catch 22, fable antimilitariste cultivant le non-sens avec gourmandise, Ce plaisir qu’on dit charnel, qui lui permet de rencontrer Jack Nicholson, La Brûlure, qui lui fait renouer avec le comédien, Biloxi blues, adaptation sensible d’une pièce autobiographique de Neil Simon, Working girl, où il fait montre d’une certaine veine sociale ou encore Primary colors, charge cruelle à l’encontre du monde politique en général et de Bill Clinton en particulier.

Pour la petite histoire, signalons que le cinéaste a une autre passion, celle des chevaux, ce qui explique peut-être en partie leur présence dans Wolf.

Mais le film n’est pas issu pour autant d’un scénario original. Puisqu’il est adapté d’un roman de Jim Harrison, qui avait vu, quelques mois plus tôt Hollywood porter à l'écran un autre de ses best sellers, Légendes d’automne. Or Jim Harrison est très ami de Jack Nicholson, qui lui avait prêté de l’argent quand il était dans le besoin pour lui permettre d’écrire, sans qu’il ait le soucis de boucler ses fins de mois. Chantre des grands espaces (on a vu la piètre estime en laquelle il tenait la ville), Harrison semble être en communion avec la nature. Et la rivalité qui oppose les personnages de Jack Nicholson et de James Spader peut être vue sans dérive interprétative comme le combat bestial de deux mâles dominants. Pas besoin d’ailleurs d’être psy pour se rendre compte que le film nous suggère de nous interroger sur la part d’animalité qui est en nous. Et l’ambivalence qui s’y attache. Nicholson n’est-il pas à la fois bourreau et victime ? Et ne jubilons-nous pas nous-mêmes à l’insu de notre plein gré quand il fait la peau à trois voyous de Central Park, comme n’importe quel Charles Bronson, qui avait triomphé quelques années plus tôt dans  Un justicier dans la ville et ses succédanés ? Le film n’est pas exempt de violence, la scène de la mort du cerf ou le corps-à-corps final sont même assez impressionnants. D’où une interdiction lors de la sortie du film aux moins de 15 ou 16 ans dans nombre de pays.

Et si nous ne voyons pas commentKate, la femme de notre héros, est assassinée, le compte-rendu qui est fait de sa mort ajoute à notre malaise. Le personnage est interprété par Kate Nelligan. Mia Farrow avait été pressentie, mais le scandale qui s’était attaché à sa très médiatique rupture d’avec Woody Allen quelques mois plus tôt, la rendait un peu tricarde. Michelle Pfeiffer n’est pas non plus le premier choix pour le rôle de Laura, mais Sharon Stone ne le sentait pas bien. Ce qui a permis à la belle Michelle de nous séduire une nouvelle fois, retrouvant au passage Jack Nicholson son partenaire des Sorcières d’Eastwick.

Les interprètes de wolf sont impeccables, Jack Nicholson et James Spader luttent de manière aussi insidieuse que redoutable, Michelle Pfeiffer est carrément bandante. Contrairement à la plupart des films de lycan on s'attarde sur la période précédent la transformation ...

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