A NOUS QUATRE, CARDINAL !

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Vous allez le remarquer dès les premières images : A nous quatre, cardinal ! est le titre du « deuxième round » des Charlots en folie, qui fait suite aux Quatre Charlots mousquetaires. Pas besoin d’avoir vu le premier pour apprécier les charmes de cette parodie de cape et d’épée, car tout est résumé au début en image et avec la voix off de Gérard Rinaldi, l’un des Charlots, dans la tradition des sérials. D’ailleurs vous connaissez tous l’histoire, puisqu’il s’agit d’une adaptation très libre des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas.

Vous y retrouverez D’Artagnan, Athos, Porthos et Aramis, le fourbe Richelieu, la reine Anne d’Autriche avec ses ferrets dérobés, le fourbe cardinal de Richelieu, le roi Louis XIII, l’aventurière Milady, des chevauchées, des combats à l’épée, dévastant des auberges. La différence de taille est d’avoir relégué les héros de Dumas au rang de seconds rôles assommés par du vin drogué et remplacé illico dans leur mission par leurs valets respectifs, autrement dit les Charlots.

Produit par Christian Fechner et Claude Berri, bénéficie du soin apporté aux films historiques dont raffolait le cinéma français populaire. Les cascades sont réglées par le spécialiste Yvan Chiffre, qui avait justement fait ses preuves dans ce genre et dans les polars avec Eddie Constantine, et la réalisation est du chevronné André Hunebelle, qui avait relancé avec succès la mode du film de cape et d’épée, adaptant Le Bossu, Le Capitan et Le Miracle des loups avec Jean Marais. Avec son fidèle scénariste Jean Halain, également réquisitionné ici, il a signé certains des plus gros succès commerciaux des années 1960.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver ASTÉRIX ET OBÉLIX: AU SERVICE DE SA MAJESTÉ (Parce qu'Astérix et Obélix voyagent eux aussi en Angleterre (enfin, en Bretagne). L'intrigue du film mélange celle des albums "Astérix chez les Bretons" et "Astérix et les Normands".) ou encore ON L'APPELAIT MILADY (Parce que la même année que les Charlots, Richard Lester signait lui aussi une version en deux partie des "Trois mousquetaires". On retrouve dans cette adaptation la fantaisie de celui qui avait réalisé les films des Beatles.).

André Hunebelle était un maître-verrier, apprécié pour la pureté des lignes géométriques de ses œuvres, de style art Déco et moderniste. Il se reconvertit dans la production à la fin des années 1930. En 1948, il réalise son premier film, une comédie. Le divertissement sera son credo, à l’aise dans l’humour aussi bien que dans l’action, et mêlant souvent les deux. On lui doit dans les années 1960 les adaptations pops de Fantômas avec Jean Marais et Louis de Funès et d’avoir eu l’idée des premiers OSS 117. Son importance au box-office est immense.

En 1953 déjà, il adapte avec un peu plus de sérieux le roman de Dumas ; un seul laquais y assure les rires : Bourvil. Le choix d’Hunebelle pour A nous quatre cardinal ! est à la fois commercial et pertinent, car il a démontré son talent à réussir des films d’action et des comédies aussi farfelues que l’avait été son Taxi, roulotte et corrida, l’un des premiers rôles en vedette de Louis de Funès. Au lieu de le reléguer à la seconde équipe, le générique reconnaît à Jacques Besnard son statut de « réalisateur adjoint ». Lui revient le mérite des scènes d’action. Il avait été l’assistant d’Hunebelle dès Mystères de Paris, et passa à la réalisation en 1966 avec Le Grand Restaurant, qui reste sans l’ombre d’un doute son film le plus réussi.

Revenons enfin à la distribution. Sans surprise, les Charlots convoquent deux de leurs seconds rôles favoris : Jacques Seiler et Paul Préboist, vus dans leurs succès précédents. Dans le double-rôle du duc de Buckingham et du cardinal de Richelieu, Bernard Haller cabotine à merveille. Issu des cabarets rive-gauche, il venait de trouver le succès au début des années 1970 avec des one-man-show et entamait enfin une carrière au cinéma. Plus incongrue au générique mais tout aussi efficace en Anne d’Autriche, Catherine Jourdan tourne là sa seule comédie populaire, au cœur d’une filmographie d’auteur parcimonieuse. Entre l’érotisme distant d’Alain Robbe-Grillet et le cinéma expérimental d’Alain Fleischer, il y eut aussi les blagues potaches des Charlots.