ALYSE ET CHLOÉ

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Tourné en janvier et février 1970, sorti en septembre de la même année, Alyse et Chloé est le quatrième long métrage de René Gainville, cinéaste d’origine hongroise, né à Budapest en décembre 1941, futur auteur du Complot avec Michel Bouquet et de l’Associé avec Michel Serrault.

Inspiré par les très libres relations qu’entretenait à l’époque un trio de ses amis, René Gainville s’intéressa à la révolution sexuelle de cette fin des années 1960 et rédigea le scénario de son nouveau film en dressant le portrait d’Alyse, une cover-girl partagée entre Luc, son viril amant photographe, et Chloé, la rousse et saphique directrice d’une agence de publicité. Eu égard aux relations intimes entretenues par les deux héroïnes, Gainville préféra confier l’écriture des dialogues à une autre de ses amies, Marie-Louise Villiers, qui restera la dialoguiste d’un seul et unique film.

Voici donc Alyse et Chloé, interdit aux moins de 18 ans à sa sortie mais, autres temps autres mœurs, aujourd’hui autorisé pour tout public. Si, par hasard, vous avez l’impression de reconnaître le comédien qui joue le rôle du mystique gourou, taxiphobe et adorateur du nombril, c’est normal. En effet, ce parfait inconnu de 26 ans qui, après plusieurs apparitions à la télévision, faisait, ici, ses débuts au cinéma, n’est autre que... Pierre Arditi.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver EMMANUELLE (1974) (A Bangkok, l’héroïne de Just Jaeckin, elle aussi, balancera entre son homme et quelques jeunes femmes oisives et libertines...) ou encore LES BICHES (1968) (Deux ans plus tôt, Stéphane Audran, Jacqueline Sassard et Jean-Louis Trintignant formaient un trio très semblable, bien que très chabrolien.).

Annoncé par la publicité comme « le plus suédois des films français », Alyse et Chloé faillit bien ne jamais recevoir son précieux visa d’exploitation. En effet, après l’avoir visionné, les membres de la sévère commission de censure annoncèrent que « le climat morbide dans l’ensemble et la présence de scènes très réalistes entre deux femmes [faisaient] obstacle à la présentation au public de cette production », fermez les guillemets. Finalement, après palabres et campagne de presse, notamment orchestrée par le chroniqueur mondain Edgar Schneider, Alyse et Chloé sortit fin septembre 1970, accompagné d’une interdiction aux -18 ans et, surtout, d’une longue et hypocrite mise en garde annonçant aux spectateurs (déjà dans la salle !) que certaines scènes pourraient les choquer mais que, je cite, elles étaient « nécessaires pour démontrer les pièges et la fausse sécurité qui se cachent derrière la ʺfaçade attiranteʺ d’une certaine ʺsociétéʺ qui n’hésite pas à qualifier de ʺliberté sexuelleʺ ce qui n’est en réalité que l’abandon des valeurs morales indispensables au parfait équilibre de l’homme ». Fin de citation !

Dans le rôle d’Alyse, René Gainville engagea Catherine Jacobsen, « une ravissante révélation danoise », comme l’annonçait le magazine Cinémonde, déjà aperçue en cover-girl aux côtés de Stéphane Audran et de Klaus Kinski dans la Peau de torpedo, un polar de Jean Delannoy, sorti trois mois auparavant. Chloé, elle, est interprétée par Michèle Girardon, comédienne disparue prématurément cinq ans après Alyse et Chloé, à l’âge de 37 ans, mais à la filmographie riche d’une trentaine de films, parmi lesquels : la Mort en ce jardin de Luis Bunuel, les Amants de Louis Malle et même Hatari !, le fameux film d’aventures d’Howard Hawks, mené par John Wayne. De 1967 à 1969, elle avait, également, été la petite amie de Michel Tanguy, le copain d’Ernest Laverdure, dans la fameuse série télévisés : les Chevaliers du ciel.

Programmé, entre autres, sur les écrans des défunts Lord Byron des Champs-Elysées et Cinévog de la rue Saint-Lazare, Alyse et Chloé fit l’objet d’articles plus ou moins circonstanciés dans les colonnes de très sérieux quotidiens, tels que le Figaro ou France-Soir, tous très sévères à l’endroit de cette production aux « situations impossibles », aux « scènes inutiles » et aux « dialogues prétentieux » et qui, de surcroît, ne présentait aucun rapport, ni avec « Daphnis et Chloé », ni avec « Alyse au pays des merveilles » !