AU BOUT DU MONDE

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Dans Au bout du monde, Kyoshi Kurosawa prend apparemment ses distances avec ses précédents films, tous plus ou moins liés au genre fantastique. Ici, il adopte une approche quasi documentaire en suivant le parcours d’une équipe de télé japonaise en reportage en Ouzbekistan.

La présentatrice est la seule femme du lot et le récit est raconté de son point de vue, dans ce qui ressemble d’abord à une observation des préjugés déterminant les relations hommes femmes dans deux cultures différentes.

Mais derrière les apparences, Au bout du monde révèle surtout l’expérience de la présentatrice qui apprend au cours de ses découvertes à faire face à ses propres peurs, et de ce point de vue, le film raccorde subtilement avec les films fantastiques de l’auteur. Le titre fait référence à la chanson d’Edith Piaf l’hymne à l’amour qui dit que le monde peut bien s’écrouler, pourvu qu’il reste l’amour.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver PROFESSION REPORTER (Même point de départ d'un reporter plongé dans un pays étranger, en proie au malaise existentiel.) ou encore ARRIVAL (Même personnage féminin qui cherche à entrer en contact avec une population étrangère dont elle ne connaît pas la langue.).

Dans Au bout du monde, le personnage de Yoko est confronté à plusieurs dimensions parfois conflictuelles : la réalité habituelle opposée à l’altérité d’un monde inconnu, la nécessaire mise en scène de cette nouvelle réalité selon les besoins de la télévision, et le contraste entre cette représentation artificielle et la réalité. A l’écran, la présentatrice joue la curiosité, le courage et l’assurance, mais dès que les caméras sont coupées, elle semble redevenir la marionnette de son réalisateur et de son équipe, et toutes ses actions sont marquées par le conformisme et la peur de l’inconnu. Sa solitude et son éloignement sont des thèmes familiers chez Kyoshi Kurosawa.

Ici, le cinéaste met à profit son expérience de la mise en scène fantastique pour nous emmener dans un domaine qui dépasse parfois la réalité. C’est particulièrement impressionnant dans la séquence de la visite du palais jusqu’à la salle de concert où Yoko chante la chanson de Piaf. On ne sait pas si elle l’a vécu ou rêvé. Le film a été tourné à l’occasion du 25e anniversaire des relations diplomatiques entre le Japon et l’Ouzbekistan. Kurosawa, qui ne connaissait pas du tout le pays, a été surpris d’y trouver des habitants bien intentionnés à l’égard des Japonais, et il n’a eu aucun problème à trouver des volontaires pour jouer dans le film.

Adiz Radjabov, qui joue l’interprète Temur, est un acteur ouzbek très réputé. Comme il ne savait pas parler japonais, il apprit la langue pendant un mois, afin d’apporter à ses répliques toute la compréhension et les nuances nécessaires. La chanson d’Edith Piaf a été choisie non seulement parce qu’elle est universellement connue, mais parce que sa signification va dans le sens du film. De plus, elle est libre de droits au Japon. L’actrice Atsuko Maeda est connue au Japon pour être un idolu, une de ces chanteuses qui font l’objet d’une médiatisation intense pendant la durée de leur contrat, et dont le succès peut durer de quelques semaines à plusieurs années.

Après deux films à traiter d’invasions extraterrestres, le prolifique réalisateur Kiyoshi Kurosawa – aucun lien avec Akira – revient sur Terre, bien qu’il y ait autant d’incompréhensions entre cette équipe de tournage et la culture ouzbèke qu’entre l’humanité ...

Le Japonais Kiyoshi Kurosawa n’a de cesse que de nous ramener encore et toujours vers ses contrées inquiétantes. Les fantômes en tous genres ne sont jamais bien loin de son cinéma. Ils lui permettent en même temps de proposer sa réponse quant à la gestion (ou la non gestion) ...

Loin de ses bases japonaises, Kiyoshi Kurosawa est capable du pire (L'épouvantable Le secret de la chambre noire) comme du pas mal du tout avec Au bout du monde, tourné en terre ouzbèke. Le film est sans cesse déconcertant, accroché aux basques de son héroïne, la fragile ...