BELLE DORMANT

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Il était une fois, dans le Royaume de Letonia, un jeune et beau prince qui s’ennuyait à mourir. Il passait ses journées à taper sur sa batterie et le bruit dérangeait son père. Celui-ci, le roi, chargea alors Gérard, son précepteur, de lui donner quelque chose à faire.

Lors d’un tour en hélicoptère, Egon le jeune prince confia à Gérard ce qu’il avait sur le cœur. Il voulait à tout prix traverser la forêt, la jungle, et rejoindre le petit royaume de Kentz, où il en était sûr, une belle et jeune princesse l’attendait.

Egon avait raison. Mais, il ne savait pas quel sort avait fait de Kentz, ce royaume isolé et endormi et rendu cette princesse inaccessible. Gérard lui raconta l’histoire de ce couple royal en manque d’enfant. Quand la jeune Rosemunde arriva enfin, la fête fut presque totale. Mais, son père, le roi, oublia d’inviter une des six fées à la cérémonie. Celle-ci se vengea en lui jetant un sort. A l’âge de 15 ans, Rosemunde se piquerait à l’aiguille d’une quenouille et plongerait tout le royaume dans un profond sommeil.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver BLANCHE NEIGE ET LE CHASSEUR DE RUPERT SANDERS (Comme Belle Dormant, Blanche neige et le chasseur part d'un conte connu avec lequel il prend de la distance et confie les personnages à des acteurs en vue) ou encore LA BELLE AU BOIS DORMANT DE CLYDE GERONIMI (Parce que c'est la même histoire racontée par Disney en dessin animé pour les enfants).

Vous avez sans doute reconnu l’histoire de la Belle au bois dormant, celle que le baiser d’un prince charmant ramène à la vie après 100 ans passer à l’attendre. C’est le conte préféré du réalisateur espagnol Ado Arrietta. Mais, pour l’adapter il a choisi une version moins connue que celle de Charles Perrault, celle de l’anglais CS Evans, illustrée par Arthur Rackham, qui date de 1920. Le texte est plus long et joue avec un « traitement élastique du temps ». Arrietta s’en amuse aussi, du temps. Comme Cocteau ou Demy avant lui, il pose son conte dans un décor moyenâgeux, mais ses personnages sont d’aujourd’hui. Ce qui multiplie les anachronismes amusants : le prince Egon joue de la batterie et prend des photos avec son Iphone, il voyage en hélicoptère ou en Mehari orange… Les fées aussi sont modernes. Gwendoline, quand elle devient Maggie Jerkins, porte des jeans et travaille à l’Unesco !

Ce n’est pas la première fois qu’Ado Arrieta, réalisateur méconnu mais déjà actif auprès de Marguerite Duras dans les années soixante, s’intéresse aux contes de fées. Il s’était inspiré des Chevaliers de la table ronde pour mettre en scène un scénario signé Cocteau et intitulé Merlin. Auteur de quatorze films, dont une majorité de courts-métrages, il a beaucoup tourné sans scénario, avec ses amis, en s’auto-produisant.

Belle dormant délaisse ce cinéma expérimental pour rejoindre celui du cinéma d’auteur porté par de grands acteurs. C’est Niels Schneider, jeune éphèbe à la présence forte qui joue Egon. Révélé dans les premiers films de Xavier Dolan, il s’impose comme un des talents majeurs à suivre. A ses côtés, Mathieu Amalric est un tuteur aussi inquiétant que rassurant. La diaphane Agathe Bonitzer a tous les attraits pour donner corps à Maggie Jerkins, cette experte en ruines mandatée par l’Unesco, et âme à la fée Gwendoline. Quant à Ingrid Caven, elle est une fée maléfique bien intrigante. Campée dans la minéralité bretonne, cette Belle dormant a peut-être perdu son bois pour une jungle, mais son envoûtement reste intact.