BOUND

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Premier film des sœurs Wachowski, Bound est un mélange de drame romantique et de caper movie, c’est-à-dire dont le sujet est centré sur une activité criminelle en train de se faire. Mais il y a aussi des éléments de film noir, de comédie, et le tout est pimenté par l’orientation sexuelle des deux femmes qui tiennent les rôles principaux.

La première, jouée par Jennifer Tilly, est la petite amie d’un gangster à qui elle essaie d’échapper. C’est pourquoi elle se laisse très facilement séduire par l’arrivée d’une lesbienne récemment sortie de prison et qui trouve chez sa nouvelle partenaire la complice idéale pour s’assurer un avenir doré en soulageant la mafia d’un gros paquet de billets. Compte tenu du budget très réduit dont ils disposaient, les sœurs Wachowski ont écrit un script brillant, qui arrive à faire oublier que l’action est limitée dans l’espace à deux appartements contigus, mais dans lequel évoluent une bonne douzaine de personnages pittoresques et solidement interprétés. Pour un coup d’essai, c’était un coup de maître, qui a permis aux sœurs de triompher trois ans plus tard avec Matrix.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver SIN CITY (Le récit détaille des activités criminelles en l'absence quasi totale de policiers) ou encore PAYBACK (Même contexte d'un personnage de criminel qui s'attaque à la mafia pour leur soutirer de l'argent.).

Avant même de déboucher sur une imagerie brillante et séduisante, le cinéma des Wachowski repose sur une réflexion solide, qui se manifeste dès la conception du scénario. Bound veut dire lié, et on a envie de dire à juste titre, puisque le moteur même du script consiste à examiner comment les personnages vont chercher à renforcer certains liens ou au contraire à s’affranchir de certains autres. Il y a d’abord le lien qui unit les deux personnages féminins. Leur but premier consiste à renforcer ce lien, et la question se pose sans arrêt pour elles : vont-elles y arriver ? Une des conditions nécessaires pour atteindre cet objectif consiste pour l’une d’elles à se libérer du lien qui l’attache à la mafia. Une troisième variable vient compliquer l’affaire, c’est le rapport à l’argent. Est-ce que, comme on a l’habitude de le voir dans ce genre de situation, la tentation de tout garder pour soi ne risque pas de remettre en péril la relation de confiance qu’elles essaient d’établir ? Tous ces ingrédients posent les bases d’un thriller à suspens revisité d’une façon très innovante.

Les Wachowski ont fait appel à une consultante pour que les scènes sexuelles, métaphoriques ou plus explicites, soient justes. Elles se sont aussi amusées à utiliser des astuces visuelles pour illustrer des expressions littérales comme blanchir de l’argent sale, ou sortir une lesbienne du placard. Pour rester en phase avec les années 90, ils ont tourné en couleurs, mais dans un style qui se rapproche fortement du noir et blanc, la valeur dominante étant limitée au rouge.

Bound est sorti en 1996, en pleine époque de thrillers sexy dont Paul Verhoeven est un des champions, avec des films comme Basic instinct ou Showgirls, qui contribua d’ailleurs à consacrer Gina Gershon. Dans ce contexte, les éléments novateurs proposés par les sœurs Wachowski sont passés un peu inaperçus, et le film n’a obtenu qu’un succès confidentiel, même s’il a été très apprécié dans certains milieux, notamment auprès du public lesbien. C’est après le succès de Matrix, trois ans plus tard, que Bound a progressivement été redécouvert, mais à le revoir aujourd’hui, il prend une valeur particulière étant donné le changement d’état civil de Larry qui est maintenant devenu Lana.