CARMEN

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"Carmen"… est-il encore utile de présenter cet opéra, l’un des plus représentés au monde et dont nombre de morceaux sont passés à la postérité ? Le compositeur Georges Bizet l’a écrit en 1874, en s’inspirant de la nouvelle, Carmen, de Prosper Mérimée,  écrite trente ans avant. Ce qu’on sait moins, c’est qu’il existe deux versions de l’opéra : l’originale qui entre les parties chantées comporte des scènes dialoguées entre les personnages ; une seconde version, écrite quelques années après, remplaçait les dialogues par des parties chantées. C’est cette seconde version qui eut le plus de succès et qui est en général représentée à l’étranger. Lorsque Francesco Rosi tourne en 1983 cette adaptation cinématographique, il revient à la version d’origine, la plus belle selon lui.

Qu’est ce qui a poussé un cinéaste italien, connu pour ses films très ancrés dans la vie de son pays natal de tourner pour la Gaumont un opéra du 19e siècle se déroulant en Espagne ? A la journaliste de France soir qui le questionnait, il répondait à la sortie du film : "Avec Carmen, je n’ai pas fait un film seulement pour les mélomanes mais pour tous ceux qui aiment le cinéma. C’est à mon avis l’opéra qui se rapproche le plus d’un film. C’est pourquoi je l’ai tourné. Il y a tous les éléments qui font un bon film : la passion qui mène à la mort, les changements de lieux, des personnages saisissants..."

Opéra populaire à la musique entraînante, l’histoire de Carmen est pourtant d’une grande noirceur. Commençant de façon joyeuse avec la rencontre amoureuse d’un brigadier et d’une bohémienne, le récit va s’enfoncer peu à peu dans les terres du mélodrame le plus déchirant lorsque la belle Carmen va s’éprendre d’un toréro, causant la jalousie de l’amoureux délaissé. Francesco Rosi filme la déchéance de l’homme blessé avec une puissance visuelle digne des plus beaux mélos du cinéma muet.  Sauf que cette descente aux enfers se fait en musique !

 
Dans le même genre vous pouvez trouver MADAME BUTTERFLY (Frédéric Mitterrand filme le célèbre opéra de Puccini et livre un film-opéra tragique et beau.) ou encore CARMEN JONES (Otto Preminger transpose l'intrigue de Carmen dans la communauté afro-américaine de la seconde moitié des années 1940. Le vernis joyeux de l'opéra de Bizet est abandonné pour laisser placer au drame le plus vénéneux.).

Le producteur Daniel Toscan du Plantier fut un des artisans de la mise en chantier de Carmen. Ebloui par La flute enchantée de Mozart mis en scène par Ingmar Bergman, il avait décidé qu’un jour lui aussi produirait des films tirés d’opéra. « Pourquoi faire des films d’opéra » se demandait-il faussement ? « D’abord parce que quelques-unes de ces œuvres disposent d’un matériau dramatique exceptionnel, dont la musique accroît la dimension émotive, et disposent de plus d’une “audience préachetée” . D’autre part, le cinéma est un art populaire alors que l’opéra ne l’est plus : la dimension audiovisuelle est donc sa seule possibilité de réémergence au-delà des happy-few qui ne le font exister qu’en circuit fermé ».Devenu directeur de la Gaumont, il était devenu au début des années 80 un producteur audacieux n’hésitant pas à travailler avec les cinéastes les plus exigeants, d’André Téchiné à Maurice Pialat. Son rêve de produire un film opéra se concrétise en 1983 lorsqu’il donne le feu vert au  Don Giovanni de Joseph Losey. Peu de temps après, il se lance dans le tournage fastueux de Carmen par Francesco Rosi qui ravira les amateurs d’opéra et de cinéma. Débarqué de la Gaumont en 1985, il devient producteur indépendant et continuera à produire des films tirés d’opéra, du baroque Boris Goudounov d’Andrezj Zulawski au très beau Madame Butterfly de Frédéric Mitterrand.

Si ce Carmen est une réussite, il ne serait pas ce qu’il est sans la présence fiévreuse et sensuelle de la chanteuse Juliana Migenes dans le rôle-titre.  Soprano née à New York, Julian Migenes  s’est illustrée sur scène dans de nombreux opéras. C’est sur scène que Francesco Rosi la repère et l’engage pour être sa Carmen. Le succès du film fera d’elle une des chanteuses les plus célèbres au monde. Cette notoriété soudaine sera l’occasion pour elle de diversifier ses activités musicales : elle enregistre des albums de chansons sans rapport avec l’opéra. Par contre sa carrière cinématographique ne profitera pas vraiment de ce succès. Son seule autre rôle notable au cinéma est celui de la chanteuse de variétés dans l’étrange et rare L’unique de Jérôme Diamant-Berger. Dans ce récit, le producteur de la chanteuse interprétée par Julia Migenes décide de la remplacer par un clone parce qu’elle est devenue impossible à vivre. L’unique est une tentative curieuse de croisement entre la science-fiction et le film musical, tentative plus audacieuse que vraiment réussie. Mais au moins Julia Migenes n’hésitait pas à prendre des risques.

L’histoire de Carmen connut de nombreuses adaptations au cinéma. Certains cinéastes revinrent à la nouvelle originale abandonnant la musique même si c’est en fait grâce à l’opéra de Bizet que cette histoire fut popularisée. Parmi les différentes versions, nous ne saurions trop recommander le conceptuel Carmen de Carlos Saura, tourné un an avant la version de Rosi, dans laquelle une troupe de danseur répète l’opéra avant que le metteur en scène tombe amoureux d’une de ses interprètes, l’histoire en coulisse rejoignant l’histoire racontée. En 2001, un téléfilm réalisé par Robert Townsend avec Beyoncé et le rappeur Mos Def transpose l’intrigue dans l’univers du rap. Et sinon, même le western italien eut sa version de Carmen avec L’homme , l’orgueil et la vengeance, avec Franco Nero, Klaus Kinski et une Tina Aumont plus déchainée qu’à l’accoutumée dans le rôle de Carmen ! Preuve que l’amour ne connaît vraiment pas de lois !

Julia Migenes n'est assurément pas la meilleure interprète de Carmen, mais force est de constater que pour l'adaptation cinématographique le choix est judicieux et qu'elle crève l'écran par son côté "sauvage". Placido Domingo impeccable vocalement ne s'en sort pas si mal ...

C'est jusqu'à maintenant la seule adaptation du Carmen de Bizet que j'ai eu l'occasion de voir (avec celle de Benny Hill... je déconne! Merde! Si on peut plus dire n'importe quoi!) Autant j'aime bien l'opéra de Bizet pour l'avoir écouté maintes et maintes fois quand j'étais ...

Si il y a une femme que je ne mettrait pas dans le rôle de Carmen, c'est bien Julia Migenes. Durant tout le film une chose me perturbe : sa beauté. Je sais, dans un film comme celui-là on doit mettre l'accent sur les voix et la beauté est quelque chose de toutt à fait subjectif. Heureusement ...