CETTE FEMME EST UN HOMME: EMMANUEL

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Formé à l’écoledu roman-photo érotique du début des années 70, Michel Ricaud réalise son premier long métrage porno en 1975, perversions avec Claudine Beccarie. une trajectoire SM assez glauque qui annonce déjà la violence, la noirceur et l’ironie qui sont la marque de ses meilleurs films. A cette époque, il fait la connaissance de Jean Carton, directeur d’une maison d’édition, la Sedem, société européenne de distribution editions du miroir. Ensemble, ils fabriquent plusieurs revues de sex-shop, des super 8 avec des transsexuels et en 1977 un documentaire qui fait sensation pour ses images chirurgicales, Et il voulut être une femme.

Iils poursuiventdans cette veine en réalisant pour le marché vidéo quelques films interprétés par la transsexuelle Erika, comme cet Emmanuel, Emmanuel au masculin, de 1983. Comme la photo glamour de la jaquette vidéo d’époque, le générique de début utilise le fameux fauteuil en rotin immortalisé par Sylvia Kristel. c’est l’unique clin d’œil à l’Emmanuelle de Just Jaeckin, ce monument convenu d’érotisme toc et de fausse liberté sexuelle. car le récit d’initiation qui suit n’a rien d’aimable. Ricaud y développe un univers bizarre, faits de voyeurs grotesques, de comtesse dépravée, de garagistes brutaux.

Il traque la laideur, débusque le goût de la manipulation et la cupidité de ses personnages. Il brise les tabous, faisant partouzer ensemble une tante et son neveu. transsexuelle soumise aux turpitudes, erika est le corps qu’il faut souiller, violée dans le froid automnal du bois de Boulogne, exhibée, attachée dans un garage de banlieue pour le plaisir scoptophile d’un Sir Stephen richissime mais désespéré.

 
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A l’époque d’Emmanuel, Michel Ricaud n’était pas encore devenu le vidéaste maison des productions plus policées de Marc Dorcel. Il tournait énormément pour des petits producteurs qui le laissaient libre d’aller trop loin. Délires sadomasos, charges anticléricales, scénario mêlant le sexe et la mort en faisaient alors le cinéaste le plus dérangeant. Le suicide du protecteur d’Emmanuel, après sa diatribe sur l’argent, est un final très inattendu pour un porno. de même ses propos désabusés sur l’amour et l’amitié. la mort accidentelle du personnage principal est d’une gratuité désespérante.

Sur fond demusique oppressante et de bruit de ponceuse, la séquence de nuit du garage est l’un des moments intenses du film, une vision de cauchemar renforcée par la présence du garagiste au visage caché par un masque de protection. Par ces détails, Ricaud fait basculer la pornographie dans un univers sombre et décalé. il a beau réunir une Rolls, un manteau de fourrure et une soubrette à coiffe de dentelles, il dévoie le porno chic. ce n’est plus le pays des merveilles rêvé par certains producteurs, mais une quatrième dimension du mauvais goût. Le majordome à gilet rayé y copule en jurant comme un charretier et la Rolls couverte de sperme y est secouée comme un flipper.

Toujours sous l’égide de la Sedem, Michel Ricaud tourne d’autres pornos transsexuels comme Rencontres Inattendues avec la même Erika. mais surtout il y a Les Corps de chasse, adaptation de La traque de Serge Leroy, effroyable plongée dans la bêtise humaine, débouchant sur le gore le plus éprouvant. Quant à son producteur Jean Carton, avant tout homme de presse, il présidera jusqu’à sa mort en 1996 aux destinées d’une des plus célèbres revues de bédés érotiques, Bd Adult.