CHERCHEZ HORTENSE

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Le film que vous allez découvrir aurait pu porter le titre d'une fable de La Fontaine, du style "Le cygne et la basse-cour" ou bien se définir en un proverbe contemporain comme "Il y a la vie rêvée et la vraie".
Pascal Bonitzer vous propose d'entrer dans la quotidien de Damien, un prof de civilisation chinoise dont le quotidien est réglé comme du papier à musique : ses cours, Iva sa femme, Noé son fils et ses relations compliquées avec son père. Rien de grave, rien qui puisse être mis en péril par les aléas de l'existence ou la crise économique mais rien de bien palpitant non plus ! Damien s'ennuie...Jusqu'au jour où Zorica, une jeune femme sans papiers, donc expulsable, va faire irruption dans ce tableau trop sage.  Un imprévu, de l'inattendu : enfin ! Comme si Damien n'attendait que cela...
Bonitzer a comme d'habitude le chic pour croquer les travers de la bourgeoisie. Il offre ici à Jean-Pierre Bacri, Kristin Scott-Thomas et Isabelle Carré trois rôles en or pour une chronique acide sur l'engagement, le courage et la volonté d'aimer...

 
Dans le même genre vous pouvez trouver CUISINE ET DEPENDANCES (Rien ne vaut un bon repas en famille pour mettre les pieds dans le plat ! De l'entrée a dessert, tous vont déguster et l'addition sera salée : dénominateur commun ici, la présence de Jean-Pierre Bacri au générique des deux films !) ou encore LES INVITES DE MON PERE (Quand une pièce rapportée fait soudain irruption dans le quotidien trop bien ordonné d'une famille bourgeoise, les choses dérapent très vite ! Chez Bonitzer comme chez Anne le Ny, c'est une jeune femme sans papier qui va jouer ce rôle...).

Alors vous vous demandez sans doute maintenant qui est cette fameuse Hortense qu’il faut aller chercher ? On n’en croise aucune dans le film que vous venez de voir et pour cause : le titre est une allusion à un poème d’Arthur Rimbaud intitulé « H », publié dans le recueil des « Illuminations » et qui se termine par « je vais voir Hortense »…Les spécialistes du sulfureux poète ardennais ont voulu y voir des allusions à l’homosexualité ou à une amoureuse, ce qui nous ramènerait au film de Pascal Bonitzer mais la vérité est plus triviale : en patois ardennais, « je vais voir Hortense » signifie tout simplement aller au cabinet, référence aux politiciens qui passaient leur vie à essayer de se maintenir au pouvoir, malgré les renversements d’alliance gouvernementale de la 3e république…
Les intrigues de cabinet, voilà de quoi illustrer le rôle formidable de Claude Rich, vieux conseiller d’Etat cabochard et égoiste, dont le coming-out en plein restaurant asiatique est un des grands moments du film ! C’est d’ailleurs toute la force et l’efficacité du cinéma de Bonitzer : utiliser les ressorts du vaudeville pour aborder des thèmes plus profonds, sensibles voire dérangeants. Ici, le réalisateur pose la question de l’engagement, qu’il soit amoureux ou citoyen, confrontant ses personnages à leurs lâchetés, leur lassitude et leur détresse humaine.
« Cherchez Hortense » n’est que le 6ème film d’un réalisateur qui a aussi écrit pour les autres, Raoul Ruiz et Jacques Rivette notamment. Après les succès critiques et publics de « Rien sur Robert » avec Fabrice Luchini en 98 et « Petites coupures » en 2002 avec Daniel Auteuil, le cinéaste a voulu se renouveler. Il a fait appel à une scénariste qui comme lui aime mélanger les histoires pour en faire un patchwork du quotidien : Agnès de Sacy. Cette complice de longue date de Zabou Breitman a su capter les travers et les qualités des personnages, offrant à Jean-Pierre Bacri, Kristin-Scott Thmas ou Jackie Berroyer des rôles importants ou secondaires mais jamais accessoires…