CONTE D'AUTOMNE

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A 78 ans, le cinéaste Eric Rohmer, né Maurice Schérer et surnommé « le Grand Momo » par ses copains des Cahiers du cinéma, tourne Conte d’automne, son 22e film en presque 50 ans de carrière et le dernier de la série Contes des quatre saisons, commencée, en 1990, avec Conte de Printemps. Il y eut, ensuite, l’hiver, en 1992, et l’été, en 1996. Conte d’automne est sorti, en France, le 23 septembre 1998, le lendemain de l’automne ! 

Le plus discret des cinéastes de la Nouvelle vague aime cette idée de « séries » ou de « cycles » auquel il revient régulièrement. Dès 1962 et pendant dix ans, il y eut les Contes moraux, parmi lesquels, Ma nuit chez Maud et le Genou de Claire, puis, entre 1981 et 1987, ce sera Comédies et proverbes, avec, entre autres, Pauline à la plage et le Rayon vert. Parallèlement à ces « collections », il revient régulièrement à des films « hors collection » pourrait-on dire, comme la Marquise d’O, Perceval le Gallois ou l’Arbre, le maire et la médiathèque.

« J’aime les histoires bien construites » disait Rohmer qui, en bon disciple d’Alfred Hitchcock – auquel il consacra un livre, en 1957, avec son grand ami Claude Chabrol – aimait à rappeler : « Il faut qu'il y ait du suspense dans chacun de mes films, je n'aime pas les films ennuyeux. »

Dans Conte d’automne, il décortique la machination de Rosine et d’Isabelle qui veulent, absolument, trouver un nouveau compagnon à Magali, leur amie viticultrice, veuve de 45 ans et très seule depuis le départ de ses deux enfants. S’en suivront pas mal de quiproquos, de malentendus et de chassés-croisés, très appréciés par le jury de la 55e Mostra de Venise – présidé par Ettore Scola – qui lui décerna son prix du meilleur scénario original.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver CHÈRE INCONUE (Une célibataire finit par favoriser les amours de son frère, handicapé physique.) ou encore JE VOUS TROUVE TRÈS BEAU (2006) (Prenant son destin en main, Aymé (Michel Blanc) part, lui-même, à la conquête de l’âme soeur... en Roumanie.).

Tout comme une partie du public et de la critique lui est indéfectiblement fidèle, Eric Rohmer est fidèle, lui aussi, à certains de ses interprètes.

Ainsi, Béatrice Romand, la viticultrice du film que vous venez de voir, avait fait ses débuts au cinéma à 18 ans, en 1970, dans le Genou de Claire. Elle y jouait une lycéenne effrontée, plus ou moins amoureuse du héros, interprété par Jean-Claude Brialy qui, une trentaine d’années plus tard, ne l’avait pas oubliée ! En effet, en 2000, dans le Ruisseau des Singes, son livre de souvenirs paru chez Robert Laffont, il évoque le réalisateur – « un homme délicieux, charmant, plein d’humour et d’esprit » – et sa jeune partenaire qui, écrit-il, « jouait la petite peste du film, ce [qui] n’était pas, pour elle, un rôle de composition, tant elle était capricieuse. Durant tout le tournage, nous eûmes des tensions, elle, me prenant pour un vieux con, et moi, la prenant pour une petite peste. » C’est dit ! Rohmer lui offrira, pourtant, le rôle principal du Beau Mariage, aux côtés d’André Dussollier et d’Arielle Dombasle. En 1973, elle avait été la partenaire de Michel Piccoli dans Themroc, de Claude Faraldo. Invitée du Cercle de Minuit de Philippe Lefait, sur France 2, à l’occasion de la sortie de Conte d’automne, Béatrice Romand nous apprit que le personnage de son fils, dans le film, avait d’abord été baptisé « Léonce » par Rohmer mais qu’elle n’aimait pas ce prénom. C’est ainsi que, en hommage à Léo Ferré, qu’elle admirait beaucoup, elle le rebaptisa, avec l’accord du cinéaste, Léo.

Marie Rivière, qui joue le rôle de la libraire, avait été découverte par Rohmer en 1978, dans Perceval le Gallois. Ils se retrouvèrent dans la Femme de l’aviateur et le Rayon Vert. On la retrouvera brièvement, en 2001, dans l’Anglaise et le duc et, en 2007, dans les Amours d’Astrée et de Céladon, le dernier film du réalisateur. Si vous avez vu Vénus beauté (institut), de Tonie Marshall, peut-être l’avez-vous reconnue dans le rôle de l’étrange cliente impécunieuse rêvant de bottines fourrées. Marie Rivière est aussi l’auteur de Un amour aux assises, un livre dans lequel elle racontait son combat pour faire sortir de prison son compagnon, Roger Knobelspiess, ex-gangster, devenu écrivain et acteur, entre autres chez Jean-Pierre Mocky, mais jamais chez Rohmer !

Enfin, dans le rôle de Rosine, la jeune amie de Magali qui veut, elle aussi, lui trouver un mari, le cinéaste fit appel à Alexia Portal (21 ans), dont Roger Planchon lui avait montré les essais qu’elle avait passés pour jouer – et obtenir – le rôle titre de Colombe, la pièce de Jean Anouilh, au théâtre des Célestins à Lyon, en compagnie de Geneviève Page et de Jacques Dufilho. C’est, donc, dans sa petite chambre d’hôtel lyonnaise, que la jeune comédienne, qui n’avait tourné, à l’époque, que pour la télévision, reçut l’appel de Rohmer lui proposant le rôle, qu’elle ne mit pas longtemps à accepter. Ce fut son unique expérience avec lui. Quatre ans plus tard, en 2002, elle était la fille de Gérard Jugnot dans Monsieur Batignole.

En février 2010, un mois et demi après sa disparition, Fabrice Luchini, qui lui devait beaucoup – de Perceval le Gallois à l’Arbre, le maire et la médiathèque en passant par les Nuits de la pleine lune –, déclara pendant la cérémonie des Césars, sur la scène du théâtre du Châtelet, qu’Eric Rohmer était « le seul cinéaste français qui était en pure cohérence entre l’argent qu’il dépensait et l’argent qu’il rapportait ! »

Je me souviens avoir salué à l'époque de sa sortie le seul "Conte des Quatre Saisons" à renouer avec la veine des meilleurs Rohmer, celle du marivaudage amoureux et des mensonges maladroitement manipulateurs? Le revoir près de 20 ans est un petit choc, tant se succèdent les ...

C’est le dernier des contes d’Eric Rohmer. Et l’un de ses plus grands succès, comme si la fermeture d’un cycle était systématiquement gage de succès. L’impression que le public s’acclimate à mesure, tandis qu’il peine à y entrer (La collectionneuse, La femme ...

Dernier des quatre contes que je n'avais pas vu, Conte d'automne arrive à capter quelque chose de formidable : les amours des femmes dont la beauté, bien qu'encore tenace, semble en train de s'estomper au fur et à mesure qu'elles vieillissent. Et rien que pour avoir réussi ...