COOKIE'S FORTUNE

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Lorsqu’il tourne Cookie’s Fortune, Robert Altman n’a plus grand-chose à prouver. Il a déjà signé plus de 80 films pour le cinéma et la télévision depuis les années 50 ; il a réussi, avec The Player et Short Cuts, un des plus spectaculaires come-backs du cinéma américain.
Il accède avec Cookie’s Fortune à une forme de sérénité qui le rend encore plus libre et plus sûr de lui par rapport au scénario et au tournage et lui permet de se soucier davantage de l’ensemble que du détail, de privilégier la chorégraphie du film plutôt que son sujet propre.
Robert Altman n’a jamais caché son admiration pour Jean Renoir, affirmant que La Règle du jeu lui avait tout appris sur le métier de cinéaste. A la fin de sa carrière, Robert Altman a d’ailleurs signé avec Gosford Park un hommage explicite au chef-d’œuvre de Jean Renoir. Il est déjà facile de distinguer cette influence renoirienne dans Cookie’s Fortune, évidemment mêlée aux propres préoccupations, thèmes et méthodes de travail du cinéaste américain. Il y a dans Cookie’s Fortune une mosaïque de personnages qui forment une petite communauté humaine, avec ses histoires d’amitié, d’amour, de jalousie, des mélanges de caractères et de personnalités qui vont de la bêtise à l’intelligence, de la méchanceté à la bonté, de l’innocence à la culpabilité. La différence entre Cookie’s Fortune et les autres films choraux d’Altman réside dans l’existence d’une intrigue policière certes minimaliste, mais qui structure davantage le long métrage qui ne se limite pas à une étude de caractère ou de comportement. On a souvent reproché à Altman d’adopter une vision surplombante du récit, en jugeant de hauts des personnages englués dans leur médiocrité ou leur prétention. Ici la misanthropie légendaire d’Atman s’estompe au profit d’une véritable bienveillance. Altman est né dans le Missouri et il a une profonde affection pour cette petite communauté sudiste, même s’il brocarde au passage les aspects ridicules de la petite bourgeoisie, bigote, hypocrite et rigide des bourgades endormies du Sud des Etats-Unis, où le temps semble s’être arrêté. Qu’ils soient flics, blancs, noirs, jeunes ou vieux, malins ou demeurés, presque tous les personnages de Cookie’s Fortune sont sympathiques à l’exception de Camille, interprétée de manière grandiose par Glenn Close et qui cumule tous les défauts et les tares de la vieille fille de province. Autour d’elle, Altman réunit comme à son habitude plusieurs générations d’excellents acteurs, certains qu’il a déjà dirigés comme Julianne Moore, d'autres qu’il utilise pour la première fois comme Liv Tyler.

 
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Figure emblématique du nouvel Hollywood des années 70, cinéaste iconoclaste et anticonformiste, Robert Altman demeure avant tout un des rares francs-tireurs du cinéma américain, qui a su conserver son indépendance artistique au sein du système du cinéma américain. Son statut de rebelle et sa très forte personnalité lui ont permis de surmonter de nombreuses déconvenues artistiques et de finir en beauté une carrière très inégale.
Robert Altman naît en 1925 à Kansas City dans le Missouri. à la fin des années 50, il réalise deux films, mais travaille essentiellement pour la télévision. Ses nouvelles tentatives au cinéma dix ans plus tard se solderont par un nouvel échec. En 1970, Il accepte de mettre en scène M*A*S*H* après que le film a essuyé le refus d’une douzaine de cinéastes. Cette comédie antimilitariste se déroulant pendant la Guerre de Corée obtient la Palme d’Or au festival de Cannes, remporte un triomphe et consacre Altman comme un des auteurs les plus originaux du nouveau cinéma américain. Ses films suivants confirment son talent et son souci de perturber les mythologies hollywoodiennes par une bonne dose d’ironie et de réalisme. Le western John McCabe, le film noir Le Privé comptent parmi ses plus grandes réussites. Robert Altman tourne beaucoup, rassemble à ses côtés une troupe fidèle de comédiens et de techniciens. Il rate certaines tentatives, se frotte à presque tous les genres et se livre à des expériences formelles étonnantes. L’utilisation inhabituelle du son, les longs plans séquences, les dialogues improvisés, les effets de téléobjectifs et de zooms confèrent à ses films un style immédiatement reconnaissable. Altman invente aussi dans les années 70 avec Un mariage et Nashville une nouvelle façon de mettre en scène la confusion du monde, avec des films polyphoniques qui rassemblent plusieurs récits et des dizaines de personnages différents dans un lieu ou une ville uniques. La plupart des films d’Altman, y compris ses meilleurs comme California Split, ne rencontrent qu’un faible écho auprès de la critique et du public. Sa tentative de travailler pour un grand studio, en l’occurrence Disney avec Popeye en 1980, aboutit à une catastrophe commerciale et un film très étrange. Altman connaît dans les années 80 une longue traversée du désert qui le conduit à nouveau vers la télévision et l’Europe où il tournera quelques films très mineurs. Au début des années 90 The Player, une satire d’Hollywood, et Short Cuts, d’après Raymond Carver, lui permettent de renouer avec le succès. Altman enchaîne à nouveau les films inspirés, souvent dans le registre du cinéma choral et de l’étude de caractère où peuvent s’exprimer son humour noir et la misanthropie. Son dernier film est peut-être son plus beau et son plus émouvant. The Last Show sort en France quelques semaines après la mort de Robert Altman le 20 novembre 2006. C’est un véritable testament artistique où le cinéaste clame pour la dernière fois sa tendresse pour les marginaux, les artistes, les déclassés et les petites gens de l’Amérique profonde.