DANGER DE MORT

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C’est l’histoire d’un brave pharmacien tellement troublé par sa paternité nouvelle qu’il mélange ses potions. Qui dans la bourgade a hérité des flacons parfumés au cyanure ?

Un pitch qu’on n’oserait plus aujourd’hui présenter aux producteurs mais qui permet un faux film à sketches de Gilles Grangier intitulé Danger de mort. Au pretexte de retrouver les cinq maudits flacons on pénètre avec le brave apothicaire dans différents milieux. Mine de rien, ce film de 1947, est comme souvent chez Grangier un document sur la France de l’après-guerre, ses us et coutumes, sa morale, son éclairage public et sa garde robe.

Et l’on y retrouve des visages oubliés Micheline Francey, le nain Piéral, et bien sur le grand Fernand Ledoux.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver UN REVENANT DE CHRISTIAN-JAQUES (1946) ou encore LE 7ÈME JURÉ DE GEORGE LAUTNER (1962) .

Pour Danger de mort Gilles Grangier est parti d’un canevas de l’écrivain Charles Exbrayat pour faire écrire son film. C’est dire qu’il part du policier pour arriver à la chronique de mœurs. Cette heureuse trahison lui est due mais elle vient aussi de René Wheeler le scénariste.

Les deux hommes sortent d’ailleurs de la cuisse de l’acteur Noël-Noël puisqu’ils lui doivent tous les deux d’avoir commencé leur carrière en cinéma. Pour Wheeler c’est l’écriture de L’innocent en 1937, pour Grangier c’est la réalisation de son premier film en 1943. De Gilles Grangier, disparu en 1996, on ne sait jamais trop quoi dire. Il avait aux yeux des cinéphiles deux défauts majeurs : la modestie et le fait d’avoir été le cinéaste favori d’un Gabin vieillissant. C’est vrai qu’ils ont fait 12 films ensemble. Mais si l’on reste dans la statistique Grangier a aussi dirigé 3 fois Bourvil et 5 fois Fernandel. Il est le genre de bougre dont la carrière est sans cesse réévaluée. Outre Danger de Mort, film simenonesque, on lui doit Gas oil, Le sang à la tête, Le cave se rebiffe, et surtout Le désordre et la nuit. Souvent associé à Audiard il a montré un sens du détail, une observation des petites choses et des petites gens qui lui garantissent une certaine postérité. Quelques mots enfin sur Fernand Ledoux. C’est un merveilleux comédien tragi-comique que son physique a appelé à jouer le Français moyen des années 30 et 40 alors qu’il était né belge. Mort quasi centenaire en 1996, cet ancien sociétaire de la comédie française a débuté à l’âge mûr une carrière cinématographique. Il a 41 ans quand il devient le terrible chef de gare de La bête humaine de Renoir, puis on le voit dans Volpone de Tourneur, et à 46 ans il éclate dans le formidable Goupi main rouges de Jacques Becker dont il jouait le rôle titre. 

Malgré ses airs frustes et tourmentés Ledoux était un érudit, notamment en philosophie orientale. Et d’ailleurs il pratiquait le yoga à une époque où c’était encore une fantaisie coloniale. Danger de mort faillit représenter la France au festival de Cannes mais il fut projeté au comité de sélection sans musique et avec un montage provisoire. Pathé, selon les dire de Grangier, le défendit très mal et à l’arrivée ce fut un échec commercial.