DRÔLE D'ENDROIT POUR UNE RENCONTRE

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Le film que vous allez voir se situe quasi intégralement sur une aire de repos d’autoroute. Drôle d’endroit pour une rencontre. Mais aussi drôle d’endroit pour faire un film. A ceci près que si le lieu n’est guère visité par le cinéma, il est des plus photogéniques, des plus aptes à susciter le mystère. Car nous sommes bien hors du temps, là où jamais personne ne reste plus de quelques minutes. Un lieu éminemment romanesque en quelque sorte…
Le film est comme un road movie immobile, qui scelle la rencontre de deux inconnus, une rencontre improbable que les hasards et les coïncidences de la vie s’amusent à relier. Une occasion en or pour les cinéastes, que Claude Lelouch ne manquera pas de reprendre à son compte près de vingt ans plus tard dans Roman de gare.
Reste que les deux inconnus dont nous parlions ne le sont pas vraiment, puisqu’il s’agit de Catherine Deneuve et de Gérard Depardieu. En les apercevant, on sait qu’on ne les lâchera plus, et qu’ils ne sont pas là vraiment par hasard. C’est l’ironie et le paradoxe de la situation, que les deux comédiens s’empressent de retourner à leur avantage…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE DERNIER MÉTRO (C'est une autre histoire d'amour illégitime et passionnée entre deux personnages interprétés par le même duo Deneuve Depardieu) ou encore ROMAN DE GARE (L'héroïne se fait également plaquer sur une aire de repos d'autoroute).

Catherine Deneuve et Gérard Depardieu se sont donné la réplique à quatre reprises entre 1980 et 1983 avant de se croiser dans le film de Dupeyron : dans Le Dernier Métro, Je vous aime, le Choix des armes et Fort Saganne. Ils se retrouveront ensuite dans Les Temps qui changent et Potiche. S’ils ne sont pas fusionnels comme Spencer Tracy et Katherine Hepburn, une longue complicité les unit et cela se voit. Même si à y regarder de plus près aucun des sept films cités ne ressemble aux autres. Et il en va de même pour ce qui est de la relation des personnages. Qui parfois s’embrasent et parfois se croisent à peine.
A la fin du tournage, Depardieu a adressé une lettre superbe à sa partenaire. Difficile de résister au désir d’en extraire quelques lignes. « J'ai lu dans un sondage que tu étais la maîtresse rêvée des Français. Je sais qu'il y a des légendes qui courent autour de nous, que l'on fantasme sur notre couple depuis Le Dernier métro. Il y a un interdit entre nous. Tu es une idole bourgeoise et racée ; je suis un fils de paysan aux mains fortes, avec toute sa santé. Dans le film de François, tu te donnes brutalement à moi, sans pudeur, par terre, comme seules sont capables d'oser les femmes bien éduquées. Toi et moi, c'est presque une conquête sociale, la chance pour un gars de la terre un peu rustre d'être aimé par la plus belle femme de faubourg Saint-Germain. C'est la prise de la Bastille de l'amour ! »
Il n’empêche que le tournage, qui se déroulait en grande partie de nuit a posé bien des problèmes de régie. Il s’est dit que les deux stars n’avaient pas été tendres avec le réalisateur François Dupeyron, le trouvant hésitant. Pourtant le résultat est superbe. Et Dupeyron a eu depuis lors maintes occasions de faire la preuve de son éclectique talent. Avec C’est quoi la vie, l’histoire de paysans frappés par la crise; La Chambre des officiers, qui s’intéresse à la convalescence de soldats que la guerre de 14 a défigurés ; Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran, soit l’amitié d’un vieil épicier turc, philosophe à ses heures pour un gamin du quartier… Des films qui ont en commun d’être de belles leçons de vie.