DU SANG SUR LA TAMISE

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Comme son titre français le laisse supposer, c’est bien à Londres que se déroule l’action du film que vous allez voir dans un instant. Un film relativement violent – il fut interdit aux moins de 12 ans –, mis en scène par un ancien assistant de Ken Loach, injustement oublié depuis, l’Ecossais John MacKenzie.

Alors qu’il est sur le point de finaliser un gros contrat avec un homologue américain en vue de concrétiser une vaste et malhonnête opération immobilière, un mafieux britannique voit son empire – fondé sur le jeu et le racket – méticuleusement mis en pièce par un ennemi aussi féroce que mystérieux, s’en prenant alternativement à ses biens, à ses amis et à ses sbires.

Ce mafieux anglais, c’est le formidable Bob Hoskins, dans son premier grand rôle au cinéma, huit ans avant Qui veut la peau de Roger Rabbit ?. Dans son malheur, il a la chance d’avoir pour compagne la remarquable Helen Mirren, future Elizabeth II dans The Queen de Stephen Frears. Last but not least, vous reconnaîtrez, à 67 ans, dans le rôle du mafieux américain, le toujours fringuant Eddie Constantine et, dans le rôle assez bref, presque nu et quasi muet d’un homme de main irlandais, un débutant (lui aussi irlandais) de 27 ans nommé : Pierce Brosnan !

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LES FORBANS DE LA NUIT (1950) (La volonté d’un homme d’étendre son pouvoir sur les bords de la Tamise. Les violents et poisseux bas-fonds londoniens, trente ans plus tôt !) ou encore A VERY BRITISH GANGSTER (2007) (Le documentariste Donal MacIntyre s’est infiltré dans le gang d’un véritable mafieux anglais de Manchester. Cette fois, c’est pas du cinéma !).

Racket, The Long Good Friday, le titre original du film que vous venez de voir, fait allusion au roman de Raymond Chandler, The Long Goodbye, parut dans la Série noire en 1954. Et justement, le chroniqueur des Nouvelles littéraires écrira à propos du film : « C’est une ʺsérie noireʺ, une vraie. Violente, intelligente et passionnante ». Il « s’adresse à des spectateurs en quête de palpitations », ajoutera son confrère de Libération lorsque, rebaptisé Du sang sur la Tamise, on put le découvrir à Paris en octobre 1983, c'est-à-dire quatre ans après sa réalisation et trois ans après sa première présentation au London Film Festival. Il faut dire que, d’abord destinée au petit écran, cette production avait été initiée par la « British Lion » avant d’être reprise par la « Handmade Films », la société de production de Georges Harrison – oui oui le guitariste des Beatles ! –, qui voulut en faire un film de cinéma.

Un film de cinéma qui lança définitivement la carrière de l’anglais Bob Hoskins (1942-2014), pour lequel fut écrit le rôle de ce « Macbeth qui aurait connu Al Capone », comme le décrira Pierre Murat dans Télérama. Cela ne l’empêcha pas de menacer la production d’un procès, lorsque celle-ci, craignant que son accent anglais n’indispose les spectateurs américains, voulut le faire doubler. Heureusement, il n’en fut rien ! Ancien assistant de Ken Loach et réalisateur à la télévision anglaise depuis la fin des années 1960, John Mackenzie était passé du petit au grand écran en 1971. On lui doit notamment l’hitchcockien Mort d’un prof ?, avec un point d’interrogation et, surtout, avec David Hemmings, le photographe héros du Blow Up d’Antonioni.

Trois ans plus tard Mackenzie dirigeait à nouveau Bob Hoskins, aux côtés de Michael Caine et de Richard Gere, dans le Consul honoraire, d’après Graham Greene. En 1987, c’est le best seller de Frederick Forsyth, le Quatrième protocole, qu’il portait à l’écran, toujours avec Michael Caine, opposé, cette fois, à celui qu’il avait fait débuter au cinéma sept ans plus tôt : Pierce Brosnan. A cette époque, le comédien, devenu célèbre notamment grâce à la série les Enquêtes de Remington Steele, avait déjà été pressenti pour incarner James Bond. Finalement écarté au profit de Timothy Dalton, ce n’est que huit ans plus tard, en 1995, qu’il endossera le smoking de l’élégant 007, dans Golden Eye de Martin Campbell.