ELLE VOIT DES NAINS PARTOUT

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Adapté d’une pièce de théatre de Philippe Bruneau, Elle voit des nains partout est un pot pourri d’influences variées qui mélange les époques et les personnages pour proposer une évocation fantaisiste de Blanche-Neige, transformée en nymphomane à la naissance par une fée maladroite. Au fil  de son parcours, elle croise Jean Valjean, Cosette, les trois petits cochons, le petit Chaperon Rouge, Robin des Bois, sans oublier Tarzan, le Petit Poucet et le fils du roi d'Angleterre.

Ce festival de carambolages culturels est révélateur du début des années 80, une période de grands changements. La gauche venait d'accéder au pouvoir, et d’un seul coup une génération d’humoristes se retrouvait déboussolée parce que privée de ses cibles traditionnelles. D’où la tentation de s’en prendre aux personnages de la culture populaire et de les assaisonner à la sauce satirique.

Le passage du (café-)théatre au cinéma montre une vraie différence d’échelle : là où ils étaient 6 acteurs pour jouer 18 rôles, ils sont passés à  65 pour 120 rôles, dans un luxe de décors variés. On trouve parmi eux la crème des comédiens de télé de l’époque, ainsi que la nouvelle génération qui allait marquer les années 80, des gens comme Coluche ou la troupe du Splendid, dont on peut voir ici quelques représentants, comme Christian Clavier dans le rôle du fourbe.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE PÈRE NOÊL EST UNE ORDURE (Il a été tourné la même année que Elle voit des nains partout avec la troupe du Splendid.) ou encore MONTY PYTHON SACRÉ GRAAL (Même contexte médiéval qui sert de décor à une profusion d'humour nonsensique).

A la charnière de deux décennies, Elle voit des nains partout est un mélange d’influences, la plus évidente étant le café-théâtre. Philippe Bruneau, le coscénariste, auteur de la pièce originale et interprète du connétable, est un familier du Splendid qui se partagera plus tard entre la télé avec les émissions de Stéphane Collaro, et le cinéma qui adaptera certaines de ses pièces comme Un indien dans la ville ou Un indien à New York.

Autre influence assez évidente, les Monty Python. A cause du contexte médiéval, on pense immédiatement à Sacré Graal, dont certaines incongruités étaient essentiellement dictées par des restrictions budgétaires. Ici, le metteur en scène Jean-Claude Sussfeld semble invoquer l’humour nonsensique des Monty Python pour justifier l’utilisation d’anachronismes comme l’irruption dans le décor de cars de touristes japonais, ou les passages à niveaux qui arrêtent le cours du temps.

Une autre influence vient de la bande dessinée à connotation satirique comme Pilote, et ça n’est pas un hasard si deux de ses dessinateurs emblématiques, Solé et Gotlib, ont cosigné l’affiche.

Enfin, les thèmes comme la libération sexuelle sont encore présents mais on sent bien que c’est la fin d’une époque et le début d’une autre. Effectivement, sous l’apparente désinvolture du langage et la représentation généreuse de la nudité, se cache un nouveau conformisme qui permet d’éviter d’aborder les vraies questions d’actualité.  

Le réalisateur Jean-Claude Sussfeld, qui fait ses débuts en tant que metteur en scène, n’est pas vraiment un novice puisqu’il travaille depuis des années comme premier assistant pour des gens aussi variés que Godard ou Audiard, et surtout Claude Sautet qu'il a assisté sur presque tous ses films. Avec Elle voit des nains partout, il offre à Zabou Breitman son premier grand rôle au cinema. Sussfeld suivra avec Le léopard (1983),  La passerelle (1987), et Quand j'avais cinq ans, je m'ai tué (1994), mais c’est surout à la television qu’il poursuivra sa carrière avec des séries comme  "Plus belle la vie".

Ce film est d'abord le reflet de tout un état d'esprit, de toute une époque, celle d'Hara-Kiri, du Colaro-Show, du café de la Gare. La dérision, l'irrespect, le non-sens et le détournement sont partout, (avec il est vrai plus ou moins de bonheur, plus ou moins de réussite), ...