EO

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Le monde des humains est bien singulier vu par les yeux d’un animal. Eo a de grandes oreilles et des yeux mélancoliques, normal c’est un âne. Et il suit son destin d’équidé, découvrant la douceur des hommes, leur méchanceté, ou leur indifférence.

« Eo » est un film d’un animalisme tranquille qui regarde le monde, désabusé. Le cinéaste qui n’a pas craint de porter un bonnet d’âne, a fait l’évènement avec ce film, à Cannes 2022, et dans la critique. Auprès de son âne, des acteurs vivaient heureux, et parmi eux, Isabelle Huppert, dans le rôle de la comtesse.

C’est l’énième retour du polonais Jerzy Skolimovski qui largement octogénaire n’a rien oublié des années 60, périodes ou Wajda, Polanski et lui firent leur entrée en cinéma. Les ânes sont tétus, les grands cinéastes, aussi.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver L'OURS DE JEAN-JACQUES ANNAUD (1988) (La vie de l'Ours, sans anthropomorphisme, dans le rejet de l'homme justement, incarnation du prédateur. Un ourson parvient à trouver un protecteur et le film est entièrement tourné du point de vue des animaux, dans la tragédie et la splendeur de la nature.) ou encore AU HASARD BALTHAZAR DE ROBERT BRESSON (1966) (Les pérégrinations tragiques et parfois drôle d'un âne au beau milieu de l'humanité. Animal de bât, de foire ou de compagnie. Toujours esclave, parfois en fuite. Un film majeur qui a bouleversé ses contemporains.).

Vous allez penser que Eo c’est Balthazar en polonais et bien vous ne croirez pas si bien dire : ils sont cousins en cinéma. Leurs deux pères Jerzy Skolimovski et Robert Bresson, sont liés par le goût de la fable. Le polonais s’est d’ailleurs inspiré du fameux film français (« Au hasard Balthazar » 1966). Il a d’ailleurs confié que c’était le seul long métrage qui l’ait fait pleurer au cinéma.

Evidemment il a fallu trouver la star aux grandes oreilles. Le cinéaste voulait un animal gris avec des taches blanches autour des yeux. Il l’a trouvé dans une ferme des environs de Varsovie, bien que la bête fusse de race sarde. Eo en réalité s’appelle Tako. Mais en bonne tête d’affiche il a bénéficié de cinq doublures. La tache d’ailleurs n’a pas toujours été facile, l’âne étant têtu de nature, et de caractère très hétérogène, d’un individu, l’autre. Un câble sur le sol peut arrêter une bête quand une chute d’eau terriblement bruyante le laisse indifférent.

Selon Skolimowski l’homme se dirige en fonction de préceptes intellectuels quand l’animal -et l’âne en particuliers- se prête à l’exercice, pourvu qu’on lui parle gentiment. Si le film a été présenté à Cannes, pour y recevoir le prix du Jury, les acteurs aussi ont pleuré, preuve qu’on peut en tirer aussi quelque chose en les traitant avec infiniment de tendresse.

Pendant que certains jeunes loups font du cynisme leur lucratif fonds de commerce, comme Ruben Östlund et son opportuniste Sans Filtre, des vétérans ont la bonne idée de sortir de leur tanière pour convoquer les vertus d’un cinéma empreint de sensibilité et d’élégance ...

Alors que personne ne l’attendait, l’irruption du nouveau film de Jerzy Skolimowski en compétition au Festival de Cannes a provoqué ce qu’on est en droit d’attendre de ce type de manifestation : des retrouvailles émouvantes, un choc esthétique et la formulation d’un ...

Il me reste encore quelques films de la compétition officielle à voir mais je n'imagine pas que cet "EO" puisse être détrôné et ne pas recevoir "ma Palme" 2022. Jerzy Skolimowski est un de mes dieux en matière de cinéma, un très court passage à vide au milieu d'une ...