EVELYN

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Les titres des films ne donnent pas nécessairement une idée exacte de leur contenu. Le cri du cormoran le soir au-dessus des jonques par exemple est garanti sans cormoran et sans jonque. De même Evelyn a beau être le prénom de l’un des personnages, il ne renseigne guère sur la teneur du film… Il ne dit pas que l’action se déroule en Irlande dans les années 50. Ni que le personnage central se prénomme… Desmond. Car Evelyn raconte l’histoire d’un homme qui se retrouve seul responsable de ses trois enfants après la désertion en rase campagne de sa compagne.

Comme il est de surcroit chômeur, la situation apparaît des plus scandaleuses aux yeux des autorités, évidemment influencés par les règles immuables de l’Eglise. On lui confisque ses enfants. Dès lors le film raconte le combat de cet homme anéanti, pour retrouver ses rejetons, malgré la foultitude d’obstacles d’ordre légal ou économique qui entravent son avancée. Le plus incroyable est bien que le scénario est basé sur une histoire vraie, dont le dénouement a largement contribué à faire évoluer la loi. Et éventuellement les mentalités, qu’il n’est pas interdit de juger rétrogrades. Avant de se lancer dans l’écriture du scénario, Paul Pender a rencontré la véritable Evelyn, la fille de Desmond. Elle lui a raconté sa vie, et elle lui a montré des photos de son père. Le brave homme ressemblait à Pierce Brosnan. Ce qui tombe bien, puisque c’est Pierce Brosnan qui incarne Desmond dans le film. L’ex James Bond rangé des voitures est ici méconnaissable en paumé alcoolo. L’agent 007 n’aimait rien tant qu’un peu de Martini, secoué mais pas remué comme il se doit.

Desmond préfère s’enfiler des pintes de Guinness sans compter. C’est ce qui s’appelle construire un personnage. Un personnage au demeurant touchant dans sa détresse. Le film ne chipote l’émotion. A tel point que d’aucuns, des cœurs secs probablement, se sont offusqués de tant de débordements tire-larmes. Mais qu’importe, les amateurs de pubs enfumés et de musiques celtiques se régaleront à l’unisson des contempteurs de curés et autres empêcheurs d’aimer en rond.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA VALSE DANS L'OMBRE (La separation est traitee en melo) ou encore LADYBIRD (La loi retire ses enfants à une mere, à son grand desespoir).

Pour mettre en scène ce film on ne peut plus irlandais, Pierce Brosnan, qui en est aussi le producteur, a été chercher un cinéaste australien, Bruce Beresford. Il est vrai que les deux hommes avaient déjà travaillé ensemble dix ans plus tôt sur Mister Johnson, et qu’ils avaient conclu à une parfaite entente. Il est également vrai que le film avait alors décroché l’Ours d’or à Berlin. Beresford est un vieux routier, qui a roulé sa bosse sur tous les continents et pratiqué toutes sortes de cinémas. Ce n’est pas un auteur, mais c’est un bon faiseur. On lui doit par exempleTendre bonheur, dans lequel Robert Duvall incarne un chanteur country alcoolo, Crimes du cœur, qui réunit Diane Keaton, Jessica Lange et Sissy Spacek, Dernière danse, dans lequel il est question de la peine de mort, Paradise road qui voit notre Vincent Perez national s’essayer à la langue de Shakespeare, etc. Mais son plus gros succès reste sans doute Miss Daisy et son chauffeur, qui remporta quatre Oscar en 1989.  

Mais c’est bien Pierce Brosnan qui est aux premières loges. A la fois producteur et comédien, il s’est manifestement investi comme rarement dans ce plaidoyer humaniste qui n’est pas loin de chatouiller la mauvaise conscience irlandaise avec autant d’efficacité que le fera quelques années plus tard le vibrant Magdalene sisters. Une bonne occasion pour lui de tourner le dos à James Bond, qu’il a incarné à quatre reprises de 1995 à 2002, dans GoldenEye, Demain ne meurt jamais, Le Monde ne suffit pas et Meurs un autre jour. Avec succès d’ailleurs. Il faut dire que le comédien n’adorait pas 007, dont il avait dans un premier temps refusé d’endosser le costume, Timothy Dalton le remplaçant au pied levé. Il n’a d’ailleurs pas attendu la quille pour incarner des rôles très divers : un savant frapadingue dans Mars attacks !, un gentleman cambrioleur dans le remake de L’Affaire Thomas Crown –il ne fait pas oublier Steve McQueen, un premier ministre scandaleux dans le génial Ghost Writer, de Roman Polanski, etc. Cela a l’air facile, mais ça ne l’est pas. Ses prédécesseurs dans la peau de Bond, James Bond, ne s’en sont pas aussi bien sortis. Si l’on excepte bien sûr Sean Connery, dont la carrière est magnifique. Mais ni George Lazenby, ni Timothy Dalton, ni même Roger Moore, plus âgé il est vrai, n’ont fait d’étincelles une fois défroqués, alignant téléfilms et séries B dans une assez grande indifférence du public. Un sort qui n’attend pas le tenant du titre, Daniel Craig, lorsqu’il passera le témoin d’ici quelques années.

Un drame qui vous prend au cou et qui vous laisse sans voix à la fin, avec même une petite larmiche en prime ! L'une des meilleures interprétations de P. Brosnan, qui pour le coup, est vraiment passionné par son rôle (surtout quand on sait qu'il s'est battu bec et ongle pour ...