FANDO ET LIS

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Tourné en 1968 au Mexique, Fando y Lis est le deuxième film d'Alejandro Jodorowsky, cinéaste d'origine chilienne, à qui l'on doit entre autres La Montagne Sacrée, Santa Sangre et El Topo, western mystique qui fut à l'origine du phénomène des midnight movies aux Etats-Unis. Auteur de bandes dessinées (on lui doit notamment la série L'Incal), poète et tarologue, mais aussi acteur, essayiste et mime (il a travaillé avec le mime Marceau et lui a écrit le fameux sketch La Cage), en bref, personnage hors normes et touche à tout visionnaire, Jodorowsky adapte ici une pièce de Fernando Arrabal, l'auteur de J'Irai comme un cheval fou. Arrabal et Jodorowsky, duo infernal qui, avec Roland Topor, avait créé en 1962 le mouvement « Panique », fondé sur l'apologie du chaos, de l'excès, de l'irrationnel et de Dyonisos. Tourné en noir et blanc pour un modeste budget de 100 000 dollars, Fando y Lis est une relecture radicale de Romeo et Juliette puisqu'un homme et un femme en chaise roulante, version paraplégique de Giuletta Masina dans La Strada de Fellini, ne peuvent s'unir. Film d'inspiration surréaliste, Fando y Lis empile les métaphores et les situations allégoriques. Au cours de leur périple au pays des ruines sur lequel plane l'ombre de l'Enfer de Dante, nos deux tourtereaux croisent ainsi quantité de personnages agressifs, à la fois loufoques, disgracieux, et grotesques : une bande de vielles sorcières édentées, un groupe de travestis, un clochard buveur de sang et même un homme jouant sur un piano en flammes, en hommage au peintre Dali. Jodorowsky lui-même apparaît au début du film dans le rôle du marionnettiste qui coupe les fils de la poupée Lis. Lors de sa première présentation au festival du film d'Acapulco, Fando y Lis, à cause de sa dimension subversive et profane, déclencha une véritable émeute et Jodorowsy fut contraint de s'enfuir de la salle pour ne pas être lynché. Le film, devenu culte, hibernera pendant une trentaine d'années avant de ressortir en salles

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LA STRADA (F. FELLINI) ou encore LA VOIE LACTÉE (L. BUNUEL, 1969) .

« Ce film est venu directement de mon inconscient » reconnaît Alejandro Jodorowsky à propos de Fando y Lis ». Ce à quoi Arrabal répond : « C'est un film que je n'ai jamais compris. Je n'ai fait que l'aimer ». Comme tous les films de Jodorowsky, Fando y Lis emprunte la voie du récit initiatique. Ici, deux amoureux traversent un désert rocailleux à la recherche de la dernière ville de la planète, Tar, un lieu utopique, une sorte de paradis terrestre qui ne connaît pas la souffrance. Ce road movie ésotérique et d'une incroyable puissance poétique défie l'interprétation et doit sans doute être reçu comme un flot ininterrompu d'images baroques, même si la perte de l'innocence et la corruption du monde adulte constitue ses leitmotive. Notons enfin que film a été financé par un certain Samuel Rosenberg, homme richissime qui avait un fils attardé mental que Jodorowsky avait pris sous son aile, le faisant travailler comme chauffeur et assistant réalisateur. Lorsque son fils est mort, Rosenberg a voulu remercié Jodorowsky et a produit Fando y Lis. C'est pourquoi le film lui est dédié.