FURIE

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Les parallèles sont nombreux entre Carrie au bal du diable, l'un des films les plus célèbres de Brian De Palma et Furie. Tout d'abord ils se suivent à deux ans de distance dans la filmographie du cinéaste. Ensuite, du point de vue de l'écriture du scénario, Furie confirme le tournant entamé par le cinéaste avec Carrie. Jusque-là, De Palma, se situant dans la lignée des auteurs-réalisateurs européens, avait mis un point d'honneur à écrire, ou coécrire, les scénarios de ses films. Mais, soucieux de conquérir un plus large public et d'obtenir d'Hollywood des moyens plus importants, avec Carrie puis Furie, il accepte de mettre en scène des histoires écrites par d'autres que lui.

C'est ainsi que Carrie est l'adaptation d'un roman de Stephen King par Larry Cohen et que le scénario de Furie est du à John Farris d'après son propre roman. Ecrits par des auteurs différents, les deux films ont en commun une héroïne principale qui, dotée de pouvoirs surnaturels, fuit toute forme de contact avec le monde réel et extérieur à sa propre vie : Carrie est blonde, Gillian est brune mais elles sont comme les deux faces d'une même médaille, des sœurs jumelles en quelque sorte.

Enfin, ces deux personnages féminins se métamorphosent radicalement au fil de l'histoire. De même que Carrie se transforme sur scène en une incarnation satanique, de même Gillian, dans Furie, sera prise elle aussi dans un moment de paroxysme et de violence pure. Toutes deux annoncent d'ailleurs d'autres figures alors à venir de l'univers de De Palma, et non des moindres : on songe notamment au Tony Montana de Scarface qui progressivement se vide de toute humanité.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver ROSEMARY'S BABY (La dimension surnaturelle et diabolique des deux films s'impose et John Cassavetes en assure comme le lien.) ou encore CHRONICLE (Dans le film de Josh Trank, comme dans celui de De Palma, ce sont des adolescents qui développent des pouvoirs surnaturels.).

La notion d'automates est particulièrement importante dans Furie. Comme on l'a vu, la première manifestation des pouvoirs surnaturels de Gillian s'exerce sur un train électrique qui se met en route par la seule volonté de la jeune femme. Viendront ensuite des manèges grandeur nature dont l'emballement cause la mort de leurs occupants. Puis, dans la scène finale, Robin fait tournoyer sa tutrice dans les airs, la traitant comme une toupie ou une poupée parfaitement déshumanisée. Au fil du film, les corps sont devenus des mécaniques sans âme.

Mais il est une dimension plus intime encore. Le personnage de Robin fait beaucoup penser au frère aîné du cinéaste Bruce. "Il a été considéré toute sa vie comme un génie par mes parents", raconte De Palma. Mais, une fois livré à lui-même, il n'a jamais pu s'intégrer nulle part, car il n'avait plus rien d'humain." Et de fait, dans Furie, Robin est décrit comme un être humain surdoué, kidnappé, vidé de son humanité et finalement détruit par des expériences dévastatrices. Ce parallèle entre le propre frère du cinéaste et un personnage de fiction s'avère tout à la fois terrible et fascinant.

Et d'ailleurs, De Palma n'hésite pas à s'impliquer lui-même dans ce portrait quasi-familial. Le personnage de Gillian pourrait bien être son porte-parole face à Robin et aux protagonistes du film. Que dit-on à la jeune femme lors de a première séance de télépathie ? "Vous imaginez être dans une salle de spectacle en face d'un grand écran blanc et vous laissez ce grand écran blanc remplir votre esprit." C'est assurément une magnifique définition du cinéma et du cinéaste en particulier. Face au scientifique Robin, Brian s'affirme comme l'artiste, celui dont les images mentales vont envahir l'imaginaire des spectateurs. Et dans Furie au moins, c'est précisément le cinéma et les images qui l'emportent sur toute forme de pouvoir.

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