GUET-APENS

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Guet-apens est l’histoire d’un cambriolage qui tourne mal, ou d’un couple qui trouve son salut dans la fuite après avoir délesté un gang de truands des fruits de sa rapine, ou d’un chantage indigne imposé à un homme qui n’est pas en position de pouvoir négocier… Bref le film est un polar de la meilleure eau, qui ne rechigne à aucune scène d’action tout en mettant en place des personnages taillés dans le roc de nos plaisirs cinéphiles les mieux ancrés.

Ce film de Roger Donaldson de 1994 porte le même titre qu’une œuvre de Sam Peckinpah qui lui est antérieure de 22 ans. Ce n’est pas un hasard, les deux films étant des adaptations du même livre de Jim Thompson. Mieux, ils sont l’un et l’autre bâtis sur un scénario de Walter Hill, par ailleurs cinéaste de talent, à qui l’on doit Les Guerriers de la nuit, Sans retour ou 48 heures. Le mimétisme entre les deux adaptations va même plus loin, puisque les deux films trouvent leur épilogue dans le même hôtel, en Arizona. Et que les comédiens qui donnent vie aux braqueurs en cavale sont également en couple à la ville. C’était le cas de Steve McQueen et Ali McGraw chez Peckinpah, ça l’est également pour Alec Baldwin et Kim Basinger dans la version de Roger Donaldson.

A noter que ce cinéaste d’origine australienne dont la plus grande partie de la carrière est américaine est un habitué des remakes. On lui doit également une version des Révoltés du Bounty où après Clark Gable et Marlon Brando c’est Mel Gibson qui incarne le mutin Fletcher Christian. Roger Donaldson n’est sans doute pas un créateur de formes nouvelles, mais il possède un sens certain du travail bien fait. Parmi ses réussites citons Sables mortels, un film noir à la lumière du désert du Nouveau Mexique, La Mutante, un film fantastique plutôt astucieux ou Treize jours, qui raconte, vu depuis la Maison Blanche, le bras de fer entre l’Amérique de John Kennedy et l’URSS de Nikita Khrouchtchev à propos de Cuba. Un profil éclectique on en conviendra.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver BONNIE AND CLYDE (C'est le mètre-étalon du film de couples criminels) ou encore CONTRE TOUTE ATTENTE (C'est le remake d'un film noir célèbre).

On l’a dit, Guet-apens est adapté d’un roman de l’un des auteurs de polars les mieux côtés qui soient, Jim Thompson. Si le romancier n’a pas été vraiment comblé par les deux adaptations de son livre The Getaway – en français Le lien conjugal – dont nous parlons ici, il faut signaler que le cinéma n’a jamais cessé de s’intéresser à son œuvre. The killer inside me –Ordure de flic dans la langue de Simenon- a été adapté deux fois, par Burt Kennedy puis par Michael Winterbottom. Pendant que Stephen Frears s’intéressait aux Arnaqueurs. Mais curieusement ce sont les cinéastes français qui ont su donner un relief particulier aux romans de l’Américain en les transposant sur d’autres terres. Série noire, d’Alain Corneau et Coup de torchon de Bertrand Tavernier ont en commun outre leur source, d’être d’authentiques chefs-d’œuvre.

Il n’est pas interdit de penser que le couple que forment Kim Basinger et Alec Baldwin à l’écran tire une partie de son aura du fait que les deux tourtereaux étaient réellement amoureux l’un de l’autre. Ils devaient se marier l’année suivante. Mais Guet-apens n’est pas pour autant le premier film réunissant les deux comédiens, qui s’étaient donné la réplique quelques mois plus tôt, dans La Chanteuse et le milliardaire. Au petit jeu des comparaisons, reconnaissons que Baldwin n’a pas le magnétisme ni le regard inimitable de Steve McQueen. Mais à l’inverse nous n’avons rien à perdre, au contraire, à la présence de Kim Basinger. Si l’aura de la star semble aujourd’hui pâlir, n’oublions pas qu’elle reste de celles qui ont su donner quelque éclat au cinéma américain des années 80, à travers des films comme 9 semaines et demie, Sans pitié, Batman ou Sang chaud pour meurtre de sang-froid…

Les romans de Jim Thompson et par capillarité les films qui en sont issus projettent une lumière noire qui corrompt tous les personnages. Le pessimisme de l’auteur est incommensurable. Mais c’est ce qui fait le prix de ces histoires dont personne ne réchappe et dont la lucidité fait mal au ventre. Si Guet-apens se permet quelques enjolivures histoire de ne pas trop rabrouer le public, le film n’en reste pas moins très sombre. Les paumés le disputent aux escrocs dans des combats douteux arbitrés par des sadiques. Les personnages imaginés par Thompson et dessinés par ceux qui l’ont adapté sont des survivants. La misanthropie d’un Peckinpah était donc toute indiquée pour porter Guet-apens à l l’écran. Donaldson n’a sans doute pas l’aura du signataire de La Horde sauvage et des Chiens de paille. Aussi faut-il souligner que la seconde adaptation n’a pas à rougir de la comparaison avec la première. Les personnages sont sans doute moins taillés d’une seule pièce et leurs réactions sont parfois empreintes d’une relative subtilité. Relative bien sûr tant les scènes d’action se taillent la part du lion. Mais l’ensemble se laisse voir avec un immense plaisir…