HISTOIRE D'ADRIEN

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Pour parler de ce film français mais joué intégralement en langue occitane et donc sous-titré en… français, il faut absolument se replacer dans le contexte des années 1980, date à laquelle le film est sorti sur les écrans. C’est l’époque où l’opposition se mobilise contre l’extension du camp militaire sur le plateau du Larzac. C’est le temps où les viticulteurs languedociens expriment leur mécontentement à l’égard du pouvoir parisien. C’est le moment enfin, où sur le plateau très couru d’Apostrophes, l’émission littéraire d’Antenne 2 animée par Bernard Pivot, l’historien Emmanuel Leroy-Ladurie fait un tabac avec un ouvrage fort sérieux intitulé Montaillou village occitan qui fait revivre le passé cathare de la région toulousaine. Bref, le régionalisme est à l’honneur, qu’on soit Occitan, Breton, Basque ou Corse. Le film de Jean-Pierre Denis s’inscrit dans ce vaste mouvement que le cinéma accompagne d’ailleurs volontiers. La même année sort, en effet, sur les écrans, le film  de Claude Chabrol, Le Cheval d’orgueil, tiré lui d’un autre best seller écrit cette fois par un auteur breton, Pierre-Jakez Heliaz. Au Périgord du film de Jean-Pierre Denis répond ainsi la Bretagne profonde. Mais l’époque est la même : l’action des deux films se déroule dans le premier quart du siècle précédent, au cœur de régions françaises aussi pauvres que rurales, où la langue locale prend des accents de résistance face à la marche du temps.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE CHEVAL D'ORGUEIL ou encore LA MAISON DES BOIS .

Le film de Jean-Pierre Denis était tellement dans l’air du temps qu’en mai 1980, il reçut au Festival de Cannes la très convoitée Caméra d’Or qui récompense un premier film. C’est pourtant peu dire qu’il est hors norme, y compris dans le cadre d’un festival international de cinéma comme celui de Cannes ! D’abord, il s’agit du premier film non pas d’un ancien étudiant en cinéma devenu premier assistant par exemple, mais d’un inspecteur des douanes qui n’a pas renoncé à son activité professionnelle pour faire du cinéma. Une sorte de douanier Rousseau du 7ème Art. Ensuite, le film est presque exclusivement tourné en langue occitane, c’est-à-dire dans un langage qu’aucun festivalier ne fut pas capable de comprendre. Enfin, le film est interprété par des amateurs et non par des acteurs professionnels.

Mais, c’est peut-être le choix de la langue occitane qui a le plus insupporté, surpris ou désorienté les spectateurs de l’époque. Rares en effet sont les films français intégralement tournés dans une langue régionale minoritaire. Les différents patois français ont toujours été présents dans le cinéma français, mais à travers seulement l’emploi ponctuel de mots, d’expressions ou de bribes de phrases. Et ce n’est pas le succès phénoménal de Bienvenue chez les Ch’tis qui démentira cette tendance. Avec L’Histoire d’Adrien cependant, le choix fut beaucoup plus radical, à l’image du premier film réalisé par l’acteur Robin Renucci en 2007, Sempre vivu ! et qui faisait, lui, la part belle à la langue corse. Jean-Pierre Denis expliqua, lors de la présentation de son film à Cannes, que ce choix linguistique s’était imposé à lui le plus naturellement du monde par respect pour la langue que parlaient en leur temps ces paysans périgourdins.