HONKY TONK FREEWAY (VERSION RESTAURÉE)

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Ce film est une curiosité. Et d’une certaine manière aussi une anomalie dans la filmographie de John Schlesinger, réalisateur de Macadam Cow-Boy et de Marathon Man, entre beaucoup d'autres. Honky Tonk Freeway, sorti en 1981, n’est en effet ni une drame social, ni un thriller, genre que le réalisateur britannique maîtrisait à la perfection, mais une comédie débridée et iconoclaste, en forme de road movie : littéralement hors norme.  

L’histoire nous transporte dans un patelin de Floride, Ticlaw, qui se voyant refuser la construction d’une sortie d’autoroute, va tout faire pour attirer à lui les touristes. La première partie du film nous fait découvrir Ticlaw et son furieux maire et pasteur, Kirby T. Calo (l’épatant William Devane) qui dirige aussi un safari park dont la vedette est un éléphant qui fait du ski nautique. Mais vous n'avez encore rien vu.
 
A la suite, défilent ceux qui à la fin iront passer du bon temps à Ticlaw. On trouve de tout : deux religieuses (Geraldine Page, Deborah Rush), une paire de voleurs qui ont pris en stop un dealer (Daniel Stern, l'acolyte de Joe Pesci dans Maman j’ai raté l’avion), un réparateur de photocopieuses (Beau Bridges), une nymphomane voyageant avec les cendres de sa mère (Beverly D'Angelo)... Leur trip réserve un paquet de surprises qui illustrent le caractère gentiment suicidaire de cette production restée une seule semaine à l’affiche : 24 millions de dollars de budget pour une recette de 600 000.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver UN MONDE FOU, FOU, FOU (Une même et folle envie de s'amuser anime cette comédie américaine débridée au casting impressionnant.) ou encore LES DENTS DE LA MER (Parce que dans la ville de Floride où se déroule le film, les autorités sont également prête à tout pour attirer les touristes, avec des conséquences autrement dramatiques.).

A posteriori, Honky Tonk Freeway offre une photographie très intéressante de ce qu’était l’Amérique du début des années 80. Une société que Schlesinger s’amusait à railler, avec ses politiciens véreux, ses banques promptes à humilier les nécessiteux et le poids de la religion sur le couple et la famille. Le paradoxe est que si un vieux fond de culture hippie domine l’ambiance générale de cette comédie, le pays vient d’entrer dans ses années Reagan. La plaisanterie est finie. Dans le New York Times, Janet Maslin estimait que Schlesinger transmettait l’idée d’un pays “grossier, dérangé et désagréable à vivre”.

Dans l’esprit de John Schlesinger il y avait la volonté de signer un film anarchique et le fait est qu’il y est parvenu. Il avait été particulièrement séduit par l’hystérie comique que Jacques Tati était parvenu à imprimer à Trafic (1971). Par ailleurs, Honky Tonk Freeway n’est pas sans rappeler Un monde fou, fou, fou réalisé par Stanley Kramer en 1963, autre bel exemple de folie orchestrée, prétexte à une course folle à travers les Etats-Unis.

A noter que Honky Tonk Freeway fut en partie financé par Lew Grade et Bernard Delfont, dont le nom reste associé à quelques autres des plus grands flops des années 80 dont Le chanteur de jazz, Can't Stop the Music, La Guerre des abîmes (Raise the Titanic) ou Le Justicier solitaire  (The Legend of the Lone Ranger). Un record. Cependant, ils furent aussi associés aux réussites de La maison du lac et Le Choix de Sophie. Juste compensation.