IL FAUT TUER BIRGIT HAAS

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Le réalisateur Laurent Heynemann a commencé sa carrière avec La question, un film-choc sur la torture pendant la guerre d’Algérie. Il faut tuer Brigitt Haas, sa troisième réalisation, a également une dimension politique mais la structure d’un thriller.

Machination et manipulation sont les moteurs de ce scénario où Philippe Noiret, dans la peau du  chef d’un service ultrasecret, a pour mission de faire éliminer une ex-terroriste allemande. L’idée consiste à maquiller ce meurtre politique en drame passionnel. Et pour ce faire, on choisit de pousser dans les bras de Birgitt Haas un dépressif incarné par Jean Rochefort.

Le film est tiré d’un roman écrit par Guy Teisseire, qui était par ailleurs critique de cinéma. Il avait écrit son livre en 1977 à une époque où les médias évoquaient très régulièrement la bande à Baader et le romancier avait raconté que le personnage de Birgitt Haas, terroriste à visage d'ange, s’était imposée à lui à force de penser à Gudrun Ensslin et Ulrike Meinhof, deux activistes d’extrême gauche, retrouvées mortes en prison. A l’écran, c’est Lisa Kreuzer, la comédienne allemande révélée par Alice dans les villes de Wim Wenders qui incarne la jeune femme traquée par les services de renseignements.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver ESPION, LÈVE-TOI (Un agent secret au coeur d'une trouble affaire de manipulations) ou encore L'HORLOGER DE SAINT-PAUL (Un autre face à face entre Philippe Noiret et Jean Rochefort).

Si Il faut tuer Brigitt Haas repose sur un solide suspense, son metteur en scène Laurent Heynemann avait prévenu son producteur qu’il ne ferait pas un "polar" efficace avec ces mécanismes, ces coups de théâtre et cette sécheresse de ton qui en sont, selon lui, les trois atouts essentiels. « Moi je voulais un film émouvant, lyrique. », expliquait-il à la sortie du film en 1981. Ce qui intéressait avant tout le réalisateur dans le roman de Guy Teisseire c’était les personnages et leurs relations. Il trouvait que les rapports entre les protagonistes étaient comparables, toutes proportions gardées, à ceux de Porphyre et de Raskolnikov dans le roman de Dostoïevski  « Crime et châtiment ». Caroline Huppert, alors la femme de Laurent Heynemann, a pour sa part introduit dans le scénario une dimension plus sensible à la personnalité de Birgitt Haas.

Heynemann qualifiait son film comme le portrait de deux solitaires. « Deux solitaires qui auraient pu devenir des amis si, dès le départ, on ne savait pas que l'intrigue finira dans le sang. » Et dans ce sens, il a bien saisi le coeur du roman de Guy Teisseire, lequel clamait qu’il était ravi de cette adaptation.  « Tant pis si je ne retrouve plus certaines scènes pour lesquelles j'éprouvais encore un peu de tendresse, affirmait-il. Mais ce sont là de simples détails car Heynemann a su préserver ce qui me paraît essentiel dans le roman : la mauvaise conscience des personnages et le sentiment d'échec d'une opération moralement condamnable. » Philippe Noiret confirmait d’ailleurs que plus que l'intrigue elle-même c’étaient les rapports bourreau-victime qui l’avaient attiré. 

Il faut tuer Brigitt Haas repose beaucoup sur le tandem Noiret-Rochefort. Ce n’est pas vraiment étonnant si les comédiens se retrouvent à nouveau réunis dans ce film de Laurent Heynemann. Ce dernier était en effet assistant-réalisateur de Bertrand Tavernier sur L'horloger de Saint-Paul où Jean Rochefort campait un flic et Noiret le père d’un criminel. Quant à la comédienne Lisa Kreuzer pour Guy Teisseire, c’était l’incarnation parfaite de Birgitt Haas et il avait même déclaré « quand je l’ai vue sur l'écran, j'ai su que je ne pourrai jamais plus l'imaginer autrement ». La comédienne avait d’autant plus de mérite qu’elle ne parlait pas un mot de français et avait dû apprendre phonétiquement toutes ses répliques. Quant à la fin du film, si elle est différente de celle du roman, on ne peut s’empêcher de penser devant cet avion qui attend que plane l’ombre d’un grand classique hollywoodien conjuguant romantisme et suspense : Casablanca de Michael Curtiz.

C'est un film d'espionnage, mais tendance non spectaculaire. Pas de scènes d'action, sauf vers la fin du film, mais sans esbrouffe. Ca reste dans un ton très réaliste. Le film brasse plusieurs thèmes (les magouilles et le cynisme des services secrets, l'après terrorisme type ...

Le chasseur, l'appât et la proie. Tel est le sous-titre, façon western de Sergio Leone, que l'on peut attribuer à ce film trop méconnu. Un passionnant thriller politique qui repose sur trois personnages clés. Que l'on regarde évoluer avec énormément d'intérêt tant les ...