INTÉRIEUR D'UN COUVENT

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Si Walerian Borowczyk s’est librement inspiré de Stendhal pour tourner Intérieur d’un couvent en 1977, il faut savoir que ce cinéaste polonais a souvent pioché la matière de ses films érotiques chez de grands écrivains : André Pieyre de Mandiargues pour La Marge (1976), Frank Wedekind pour Lulu (1980), mais aussi Robert Louis Stevenson pour Docteur Jekyll et les femmes (1980) et même le poète latin Ovide pour son Art d’aimer en 1983. Ce qu’on sait moins c’est qu’avant cette série de films érotiques, Walerian Borowczyk avait étudié les Beaux-Arts à Cracovie et commencé sa carrière dans le dessin animé expérimental. Son premier long métrage Le Théâtre de monsieur et madame Kabal (1967) est considéré comme un chef-d’œuvre du cinéma d’animation. Ce n’est qu’en 1969 qu’il a signé son premier long métrage en prises de vues réelles Goto, île d’amour. Et ce, sans renoncer à ses ambitions plastiques qui resteront la marque de son cinéma jusqu’à sa mort en 2006.
Intérieur d’un couvent est le dernier des films que Ligia Branice, ici dans le rôle de sœur Clara, tournera avec Borowczyk. Sous la direction de celui qui fut son mari, elle avait déjà été Blanche dans le film éponyme de 1971, mais elle avait aussi joué dans Goto ile d’amour et dans des courts métrages. Les cinéphiles ont pu la remarquer également dans le chef-d’œuvre de Chris Marker La Jetée (1962) où elle interprète une femme du futur sous son nom de Ligia Borowczyk. C’est elle qui dans Intérieur d’un couvent entonne l’ancienne chanson toscane « La rosa e’ il piu’ bel fiore ». A l’inverse de Ligia Branice, Marina Pierro tourne là son premier film avec Borowczyk et poursuivra avec lui sa collaboration sur quatre longs métrages dont Cérémonie d’amour en 1988. à leurs côtés dans le film, on peut reconnaître Howard Ross qui a été par ailleurs dirigé par Mario Bava dans L’île de l’épouvante (1970) et par Lucio Fulci dans L’Eventreur de New York (1982).

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE DECAMERON ou encore LES DIABLES .

Walerian Borowczyk a écrit le scénario d’Intérieur d’un couvent en s’inspirant d’un passage des Promenades dans Rome, ouvrage en deux volumes de Stendhal publié en 1829. Dans le passage en question, l’auteur du Rouge et le noir évoque la mise à mort de deux jeunes religieuses contraintes de prendre les verres de ciguë que leur présentent des prêtres délégués par l’archevêque de Naples. Le sujet est d’autant plus sulfureux que l’anecdote est authentique. Mais chez Borowczyk, qui a très librement transposé les faits, il s’agit plutôt d’une ode à la liberté et d’un « manifeste contre la censure » pour reprendre les termes qu’il avait lui-même employés pour présenter ses Contes Immoraux en 1974
Dans le huis clos d’Intérieur d’un couvent, le couvent a d’ailleurs valeur de métaphore. Comme dans les meilleurs films de Borowczyk, c’est de l’intérieur de l’être humain dont il est question. Un intérieur qui éclate sous le poids de l’amour qui brise toutes les limites. Le choix de tourner caméra à l’épaule accentue cette idée de pression qui monte comme dans une cocotte-minute. Pour la photographie, Borowczyk a fait appel à un des plus talentueux chef-opérateurs italiens Luciano Tovoli qui s’est illustré aussi bien dans le cinéma de genre (les images bariolées de Suspiria de Dario Argento, 1977) que dans le cinéma d’auteur (Profession : reporter de Michelangelo Antonioni, 1974).
Il n’en demeure pas moins que jusque dans son titre, Intérieur d’un couvent évoque bien ce mélange de curiosité et de fantasme que la vie privée des religieuses peut éveiller. Avant Borowczyk, bien d’autres cinéastes avaient invité à percer le secret de tels établissements. à commencer par son compatriote Jerzy Kawalerowicz avec Mère Jeanne des anges qui, en 1961, illustrait l’affaire des Possédées de Loudun. Tout comme Ken Russell avec Les Diables, dans un style plus baroque, en 1971. Entre les deux, Jacques Rivette avait fait scandale en France avec sa Religieuse adaptée du roman de Diderot en 1966. Signe des temps, Pedro Almodovar n’a guère suscité de fureur vaticane avec sa plongée destroy dans le couvent d’Entre les ténèbres (1983). Il faut dire que dans l’intervalle, entre les turpitudes de Flavia la défroquée filmées par Gianfranco Mingozzi et les horreurs du Couvent Infernal de Bruno Mattei, les cinéastes ne s’étaient plus censurés pour filmer le quotidien réel ou fantasmé des religieuses.