JOUISENS

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Les dix-huit premières minutes de Jouisens sont le point de départ cafardeux d’une histoire paranoïaque qui pourrait virer à l’épouvante. Les rues grises de Budapest et la circulation, un jeune marginal, Vinnie Kajicy sombrant dans la dépression. C’est la proie idéale pour la Sensory Depravation, étrange entreprise qui dit vouloir réveiller les parties du cerveau en veille par une méthode révolutionnaire. Drogué dans un pub, Vinnie tombe dans le piège d’une expérience inédite pour se retrouver dans une pièce blanche et hermétique, avec un collier au cou.
S’il ne se prête pas aux épreuves, des décharges électriques lui sont envoyées par son collier, pouvant même lui faire perdre connaissance. Dès lors, le film bascule dans la pure pornographie, divisé en longues séquences qui sont autant de tests sensoriels imposés au prisonnier. On aurait pu craindre une vision plus cauchemardesque, façon Hostel. Mais ici, la torture naît de la frustration, plaçant la victime en position de voyeur, obligé d’observer des actes sexuels inaccessibles.
La vue, l’odorat, l’ouïe, le goût et le toucher sont les moteurs de cinq vignettes pornos. Une sixième donnera la clé de l’énigme. Le hard y est souvent intense, servie par des comédiennes sublimes et une caméra imaginative. Elle privilégie à plusieurs reprises le gaping, cette pratique visuelle qui consiste à s’appesantir sur la béance des orifices dilatés.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver DERRIERE LA PORTE VERTE ou encore HOSTEL .

« On crée notre propre réalité ». Ce porno quasi métaphysique se conclut par une pirouette classique du cinéma fantastique. Tout cela n’était-il qu’un rêve ? Les cinq sens du personnage n’ont-ils pas été réactivés dans une sixième dimension ?
La conclusion matérialise les propos du critique surréaliste Ado Kyrou qui rêvait d’un cinéma qui changerait la vie au bénéfice de l’amour. L’expérience subie par Vinnie est d’ordre cinématographique. Son voyeurisme est celui d’un spectateur, prisonnier des images. Les vitres à travers lesquels il regarde la pornographie sont les équivalences de l’écran d’une télévision ou d’un ordinateur.
Les auteurs ont traité la pornographie comme l’expression d’un imaginaire fascinant qui dépasse l’homme et parfois le révulse comme en témoigne la séquence sur le goût. Mais en définitive c’est un imaginaire propice à son épanouissement. A condition de se réveiller. Cette fable surprenante a été conçue par Louis Moiré au cadre et à la réalisation et Max Candy à la production, un duo installé à Prague, très apprécié de la société Private. Leur Ritual concocté en 2008 pour Marc Dorcel flirtait de nouveau avec le fantastique.