JUANA LA LOCA

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Juana la Loca, Jeanne la Folle, fille des Rois Catholiques, n’eut pas une vie facile. C’est le moins qu’on puisse dire…
Fin du XVe siècle, quatre ans après la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, la jeune et vierge princesse prit le bateau pour aller rejoindre son futur époux en Flandre, Philippe, un bellâtre qui fit naître en elle l’ardeur, la passion, l’amour fou… « Je veux être ta femme, ta femelle, ta putain », résuma Jeanne à son époux en guise de déclaration d’intentions…

Cette femme devint souveraine de Castille en 1504, à la mort de sa mère, la reine Isabelle, ce qui attisa des intrigues et des convoitises dont elle n’avait guère à faire, tellement elle était éprise de son bel homme… Mais Philippe… il aimait les femmes, au pluriel, et surtout il voulait bien être roi titulaire, et pas seulement consort. Avec le soutien de son beau-père Ferdinand et d’une bonne partie de la cour de Castille, il se mit à l’œuvre pour proclamer que Jeanne était folle à lier, et non pas folle d’amour et de jalousie… Une histoire si intense devait forcément titiller Vicente Aranda, réalisateur septuagénaire très porté sur les tourmentes dans les relations entre femmes et hommes ! Des sujets explosifs, en tandem le plus souvent avec une Victoria Abril torride.

Juana la loca s’inscrit dans la tradition des films sur l’histoire d’Espagne que le cinéma offrait fréquemment sous Franco : beaux habits, chevaux, intrigues, armures… voix off solennelle. Le film de Aranda a même un précédent illustre, Locura de amor, en 1947.
Mais le film d'Aranda a un bonus considérable en la personne de Pilar López de Ayala. La jeune comédienne, que le public français a pu apprécier en amie dévouée d’un couple gay dans Comme les autres, donne un souffle particulier à ce film pour le distancer de la froideur des productions en carton pâte et le rapprocher de l’élan d’une Reine Margot de Chéreau, par exemple.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver TIRANTE EL BLANCO ou encore LOCURA DE AMOR .

Pilar López de Ayalafut la grande découverte de Juana la loca lors de la présentation du film au Festival de San Sebastián. Bosseuse invétérée, elle avait préparé intensément le tournage durant quatre mois. Elle porte le film. Par la suite, cette comédienne délicate, à la sensibilité à fleur de peau, remporta le Goya de la meilleure interprétation féminine. Les films qui suivirent n’ont peut-être pas répondu aux espérances générées par cette prestation brillante. Entre autres, Alatriste. Depuis Comme les autres, Pilar a continué à travailler son français dans l’espoir de se frayer un chemin à Paris.

Le film, une coproduction entre l‘Espagne, l’Italie et le Portugal au budget assez élevé à l’époque : 800 millions de pesetas (cinq millions d’euros d’aujourd’hui) eut un tournage conséquent de trois mois, pour la plupart au Portugal.
Sur une douzaine de nominations, Juana la loca reçu trois Goyas, représenta l’Espagne dans la lutte pour les Oscar, sans succès, et fit le tour du monde des festivals. En France, ce film reste inédit. Vous avez peut-être reconnu le capitaine ami d’enfance de Jeanne. Eloy Azorín est le jeune homme qui est victime d’un accident mortel dans Tout sur ma mère de Pedro Almodóvar.

Le beau Daniele Liotti, apport de la coproduction italienne, n’était pas le premier choix pour le rôle de Philippe, il fut appelé en remplacement d’urgence quelques jours à peine avant le début du tournage.
Vicente Aranda avoua plus tard qu’il aurait bien voulu marquer la rencontre, beau moment de cinéma, entre Jeanne et Philippe par une scène intense de sexe. Mais la jeune Pilar n’était pas de son avis, elle ne le sentait peut-être pas. Le réalisateur se contenta d’une ellipse pudique.