L'ALLIANCE

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A 40 ans, Jean-Claude Carrière est l’interprète principal, le coscénariste et l’auteur du roman qui inspira l’Alliance, le deuxième long métrage de Christian de Chalonge (34 ans), futur réalisateur de l’Argent des autres et des Quarantièmes rugissants, notamment. 

Comme le racontera Carrière, lui-même, l’Alliance « c’est l’histoire d’un homme et d’une femme qui se marient un peu vite, parce que ça les arrange ». Il est vétérinaire et cherche un vaste appartement où installer son cabinet ; elle vit seule, dans un appartement devenu trop grand, eu égard à un récent revers de fortune. Entourés d’une faune aussi omniprésente qu’inquiétante, ils vont commencer à nourrir, l’un envers l’autre, des soupçons et des doutes réciproques. 

Dans cet appartement labyrinthique et sur l’oppressante musique de Gilbert Amy, un proche de Pierre Boulez, Jean-Claude Carrière – véritablement comédien pour la première fois – donne la réplique à Anna Karina, déjà célèbre depuis une dizaine d’années et sa rencontre avec Jean-Luc Godard, dont elle venait de divorcer quatre ans plus tôt. Autour de ce couple étrange, vous reconnaîtrez notamment : Jean-Pierre Darras et Tsilla Chelton (patrons de l’agence matrimoniale), Isabelle Sadoyan (la bonne), Rufus (l’éleveur de pigeons voyageurs) ainsi que le célèbre musicien – et parfois comédien – Jean Wiener (75 ans), en scientifique désabusé.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE LOCATAIRE (1976) (Le très modeste appartement que vient de louer le timide M. Trelkovsky (Roman Polanski) ne semble pas porter chance à ses occupants...) ou encore SOUPÇONS (1941) (Mariée sur un coup de foudre, Lina (Joan Fontaine) commence à soupçonner son mari (Cary Grant) de vouloir la tuer.).

C’est sous forme de boutade que Christian de Chalonge proposa à Jean-Claude Carrière le rôle de cet étrange vétérinaire, qu’il avait lui-même inventé. D’abord sceptique, huit jours plus tard l’écrivain acceptait de passer des essais, a priori satisfaisants, mais qu’il ne voulut jamais visionner ! « C’est le plus étrange des métiers », assura-t-il après le tournage au micro de France Culture, à propos du métier de comédien, ajoutant qu’il avait été complètement perdu durant les premiers jours, malgré ses précédentes apparitions chez Pierre Etaix et Luis Bunuel. A propos d’Anna Karina, il affirma que c’était « une remarquable comédienne » et qu’elle l’avait énormément aidé. Au cours des années 1970, ils se retrouveront dans deux films très différents, l’un et l’autre interprétés par la comédienne et coécrits par le scénariste : les Œufs brouillés, de Joël Santoni, et Chaussette surprise, de Jean-François Davy. 

En revanche, l’Alliance marque l’unique rencontre cinématographique de Jean-Claude Carrière avec la comédienne Tsilla Chelton qui, avec Jean-Pierre Darras, dirige, ici, l’agence matrimoniale où se rencontrent les deux protagonistes. Comédienne fétiche d’Eugène Ionesco, plus souvent vue sur scène que devant la caméra, Tsilla Chelton participa cependant à une cinquantaine de films, parmi lesquels : Alexandre le bienheureux, La Décade prodigieuse et Diabolo-Menthe. En 1990, elle sera nommée au César de la meilleure comédienne pour son inoubliable personnage de tatie Danielle, dans la fameuse comédie d’Etienne Chatiliez. 

L’étrange dernière séquence de l’Alliance – qui fut modifiée entre sa présentation à la Mostra de Venise en août 70 et sa sortie en salle en janvier 71 – n’est pas sans annoncer Malevil, le film que Christian de Chalonge tournera dix ans plus tard, d’après le roman postapocalyptique de Robert Merle. Ancien assistant de Georges Franju, Denys de la Patellière, Tony Richardson et quelques autres, Christian de Chalonge avait entamé sa carrière de cinéaste à la fin des années 1960, avec O Salto, un drame – presque un documentaire – sur le rude quotidien d’un travailleur portugais clandestinement arrivé en France. Récompensé à Venise, O Salto avait également reçu le Prix Jean Vigo 1968. C’est après avoir lu le roman de Jean-Claude Carrière et après lui avoir proposé d’y apporter une dimension plus personnelle, moins psychologique et plus fantastique, qu’il décida de tourner L'Alliance, « le plus beau film sur la jalousie depuis Tourments de Bunuel », s’exclamera Michel Mardore à la tribune du Masque et la plume.

Deuxième long métrage de Christian de Chalonge, L'alliance s'écartait de la veine semi-documentaire de son précédent film, Prix jean Vigo 1968, O Salto, dont le sujet était l'immigration portugaise au crépuscule de la dictature salazarienne. Adaptation par (et avec) Jean-Claude ...