L'OEIL DU MONOCLE (VERSION RESTAURÉE)

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Quand on propose à Georges Lautner d’adapter un bouquin qui vient d’avoir le Prix du Quai des orfèvres, il dit tout de suite oui. Puis il le lit. Et se rend compte qu’il va avoir du mal à filmer cette histoire dont le héros est aveugle et où l’on brûle des fœtus dans la cheminée. Heureusement, le colonel Rémy, ancien héros de la Résistance, accepte d’apporter des modifications à son roman. Et Le Monocle noir devient une comédie. Comme le film marche, une suite lui est donnée : c’est L’œil du Monocle.

L’un des atouts de la série est la présence de Paul Meurisse qui, dans le rôle-titre, invente un personnage irrésistible qui mélange raideur et fantaisie. Sa façon de regarder les gens, celle de tenir son arme sont restées dans les annales. Mais le troisième volet de la série, Le Monocle voit jaune, verra la fin de sa collaboration avec Lautner, qui avait eu le mauvais goût de lui adjoindre une comédienne, Barbara Steele, plus grande que lui. L’humour de Meurisse avait donc des limites…

Plus dynamique que le premier volet, moins exotique que le dernier, L’œil du Monocle se déroule en Corse et lance ses personnages sur les traces d’un improbable trésor nazi. Mais comme disait Hitchcock, c’est un McGuffin, un leurre si on préfère. Ce qui intéresse Lautner, c’est d’avoir le champ libre pour délirer à sa guise. Et de ce point de vue, la mission est accomplie.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LES BARBOUZES (C'est une autre parodie des films d'espionnage signée Lautner) ou encore MANINA, LA FILLE SANS VOILE (Un autre film de recherches sous-marines au large de la Corse).

Quel étrange alliage que celui du Colonel Rémy, qui a collaboré au scénario de ce second volet, qui ne lui devait pourtant plus rien, si ce n’est la reconduction du personnage principal, et de Georges Lautner. Rémy a beau être un grand résistant, c’est aussi, avant-guerre, un partisan de l’Action française et après-guerre, l’avocat de la réhabilitation de Pétain. Il n’est pas interdit de penser que ce catho très vieille France n’était pas à proprement parler d’un joyeux drille. Ce que Chabrol a confirmé quand il a entrepris de porter à l’écran La Ligne de démarcation, d’après l’un de ses romans. Mais le tandem Rémy-Lautner a tenu bon.

Un tandem qui était un trio, en fait. Après la mort de Pierre Laroche, qui avait collaboré à l’écriture du premier Monocle, Lautner a eu l’idée de demander à Jacques Robert de rester à la barre. A l’époque, Jacques Robert est un scénariste prestigieux à qui l’on doit entre autres d’avoir écrit le script de Marie Octobre ou de L’Affaire Nina B. C’est à lui que Bertrand Blier fera appel pour son premier film de fiction, Si j’étais un espion. C’est aussi un reporter intrépide. Le seul occidental, dit-on, à être entré dans le bunker d’Hitler à Berlin après la suicide du tyran.

Les trois "Monocle" forment une trilogie qui est désormais installée au panthéon du cinéma populaire, comme le témoignage d’une époque où l’on pouvait déconner sans arrière-pensée et même avec une certaine jubilation. Le récit, abracadabrantesque, n’est pas à prendre au premier degré, évidemment. C’est pourtant sans rire que les services secrets de la République ont mis la main sur le scénario d’un Monocle, mettant Claude Vital, l’assistant de Lautner à l’ombre pendant deux mois, Ils pensaient que le texte était crypté au profit des Français d’Algérie les plus rétifs à l’indépendance… Un gag pas prévu par l’ami Georges, mais quel gag !