LA BLONDE ET MOI

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En avril 1957, quatre mois après les Etats-Unis, sort à Paris – au Raimu, grande salle des Champs-Elysées – la Blonde et moi, le septième long métrage de Frank Tashlin (44 ans), ex-cartooniste, ex-gagman de Laurel et Hardy et réalisateur, à l’époque et entre autres, de Artistes et modèles, le premier des huit films qu’il tournera avec Jerry Lewis.

Dans la Blonde et moi, Tashlin fait se rencontrer Tom Ewell, le partenaire de Marilyn Monroe un an plus tôt dans Sept ans de réflexion de Billy Wilder, et Jayne Mansfield (23 ans), que la revue les Lettres françaises présente comme une « Marilyn version atomique ». N’empêche, son personnage, aussi accorte soit-il, n’a qu’une seule passion : la cuisine ; qu’un seul but : fonder une famille, nombreuse si possible ! Un rôle qui lui rapportera le Golden Globe du meilleur espoir féminin.

Formidable comédie, la Blonde et moi est aussi une comédie musicale parvenant à sublimer l’objet même qu’elle semble exécrer ou, du moins, qu’elle a décidé de ridiculiser : le Rock’n Roll. Et ce n’est pas le moindre intérêt de cette joyeuse production que de nous donner à voir et à entendre : Little Richard, Eddie Cochran, Fats Domino ou encore les Platters. Comme l’écrivit Eduardo Guillot dans son Rock et cinéma, ce film « pourrait occuper à lui seul un chapitre entier sur l’histoire du rock ».

 
Dans le même genre vous pouvez trouver JAMBOREE (1957) (Deux agents artistiques divorcés veulent faire de leurs enfants des rois du Rock ! Les accompagnent : Count Basie, Jerry Lee Lewis, Fats Domino...) ou encore SEPT ANS DE RÉFLEXION (1955) (Un an avant Jayne Mansfield, le chanceux Tom Ewell avait Marilyn Monroe pour partenaire !).

Comme vous l’avez remarqué, les deux personnages principaux de la Blonde et moi se prénomment respectivement Tom et Jerri. Or, il se trouve que Frank Tashlin, le réalisateur du film, avait fait ses débuts dans le cinéma d’animation et avait travaillé, de 1931 à 1933 et sous le pseudonyme de « Tish Tash », sur une série de cartoons mettant justement en scène deux personnages baptisés Tom et Jerry. Mais il ne s’agissait pas encore du fameux chat et de la fameuse souris – qu’inventeront une décennie plus tard Hanna et Barbera – il s’agissait de deux personnages, un grand et un petit, le plus souvent plongés dans des aventures absurdes et cocasses et qui furent rebaptisés plus tard : Dick et Larry. Quittant l’animation pour devenir scénariste, Tashlin apparaîtra aux génériques de comédies menées par Red Skelton, Bob Hope et même les Marx Brothers : la Pêche au trésor en 1949. C’est alors qu’il deviendra, lui-même, réalisateur, dirigeant, entre autres, Jerry Lewis dans une dizaine de comédies, dont : Artistes et modèles, le Kid en kimono ou Cendrillon aux grands pieds.  

Lorsque sort la Blonde et moi, on ne connaît pas encore très bien Jayne Mansfield, aperçue, plus ou moins brièvement, dans une demi douzaine de séries B. Née Vera Jayne Palmer en 1933, mariée une première fois à 16 ans et élue « Miss lampe au magnésium », la jeune femme, encore brune, avait fait ses débuts au théâtre, avant de débarquer à Hollywood. C’est Frank Tashlin qui lui donnera véritablement sa chance avec la Blonde et moi, dont le succès donnera naissance dans la foulée à la Blonde explosive, toujours sous la direction de Frank Tashlin, la Blonde et le shérif de Raoul Walsh ainsi que la Blonde et les nus de Soho de Terence Young. Comme on le sait, Jayne Mansfield, victime d’un accident de la route, disparut prématurément, à l’âge de 34 ans. Avec trois maris différents – dont un Hongrois sacré « Mr. Univers » en 1955 –, elle était la maman de cinq enfants, dont le plus jeune n’avait pas deux ans le jour de sa mort.

Lorsque la Blonde et moi sortit sur les écrans parisiens, la presse ne cacha pas son enthousiasme. Dans Positif, Roger Tailleur parla d’« un météore venu de nulle part », Jean de Baroncelli dans le Monde évoqua l’« un des films les plus drôles que l’on puisse voir en ce moment à Paris », tandis que Claude de Givray dans Arts compara le film à « un conte de fées burlesque et attendrissant ». Dans Arts, également, François Truffaut, soi-même, n’y alla pas par quatre chemins : « Je serai bref mais élogieux. La Blonde et moi est davantage qu’un bon film, davantage aussi qu’un film drôle, davantage qu’une excellente parodie, c’est une sorte de chef-d’œuvre du genre » !