LA DÉROBADE

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En 1976 sort en librairie un livre intitulé La dérobade signé Jeanne Cordelier. En fait, ce récit est sa propre histoire et raconte son voyage dans l'enfer de la prostitution. Rapidement, le bouquin devient un best-seller et son auteur, un écrivain reconnu. En 1979, Daniel Duval décide de le porter à l'écran. La dérobade est l'histoire, hélas banale, d'une petite provinciale, Marie, qui succombe au charme de Gérard, un proxénète qui va rapidement l'initier au métier de prostituée. Par amour, elle va tout d'abord accepter mais, une passe, ça va, trois passes... bonjour le dégoût. Tout d'abord en maison, Marie va se retrouver rapidement sur le trottoir et connaître les humiliations et les vicissitudes sordides de ce que d'aucuns appellent pudiquement le plus vieux métier du monde. Grâce à l'amitié et au soutien de Maloup sa copine, Marie va trouver la force de se rebeller et de s'émanciper afin de quitter cet enfer pour retrouver sa liberté. Mais, lorsque l'on a mis le doigt dans l'engrenage, difficile d'en sortir. Ici, point de complaisance, pas de pathos excessif, le portrait que Daniel Duval nous dépeint est parfaitement honnête et authentique. Miou-Miou, qui incarne Marie, y est formidablement convaincante et émouvante.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LES FILLES DE GRENOBLE (JOËL LE MOIGNÉ - 1981) ou encore IRMA LA DOUCE (BILLY WILDER - 1963) .

En 2007, pour la réédition du roman La dérobade, Benoîte Groult écrivait dans la préface : "Le récit de Jeanne Cordelier a tout juste trente ans. II pourrait en avoir cent ou avoir été écrit hier ". La même Benoîte Groult préface également le nouveau roman de Jeanne Cordelier sorti en 2010 : Reconstruction où elle raconte sa vie après la douloureuse expérience de la prostitution et la manière dont elle a reconstruit son existence. Je la cite à nouveau : "C'est le livre de l'ivresse d'exister, de l'ivresse d'aimer, mais cela n'a rien d'un roman à l'eau de rose. Je dirais plutôt, pour le résumer, que c'est une histoire à l'eau-de-vie, dans tous les sens que l'on peut donner à ce terme". Fin de citation. Ces deux phrases résument avec pertinence l'étonnant parcours de cette autodidacte qui, avec pour tout diplôme un certificat d'études primaires, est sortie de l'enfer grâce à sa volonté et à la littérature.

Lorsque Daniel Duval s'attaque à l'adaptation de La dérobade, il a déjà réalisé Le voyage d'Amélie en 1974 qui raconte l'équipée insolite à travers la France de deux jeunes zonards qui accompagnent une vieille dame et le cercueil de son mari qu'elle veut enterrer dans son village natal. En 1976, il écrit et met en scène L'ombre des châteaux qui traite du destin tragique d'une famille d'immigrés italiens qui tentent, sans succès, de sortir de leur condition de sous-prolétaires. Pour La dérobade Daniel Duval se retrouve des deux côtés de la caméra. Son charme sulfureux, son physique tantôt irrésistible, tantôt inquiétant font merveille et on comprend toute l'ambiguïté de la relation que Marie peut avoir avec son souteneur. Marie, c'est Miou-Miou au sommet de son art. Elle décrochera d'ailleurs le César de la meilleure interprétation féminine pour sa performance. Maloup, la meilleure amie de Marie, est ici incarnée par Maria Schneider. Fille de Daniel Gélin, elle fait quelques apparitions mineures dans une demi-douzaine de films avant d'être remarquée par Bernardo Bertolucci qui lui confie le rôle de Jeanne auprès de Marlon Brando dans Le dernier tango à Paris. Michelangelo Antonioni l'engage en 1975 pour Profession reporter où elle donne la réplique à Jack Nicholson. La même année, René Clément lui offre le premier rôle dans La baby-sitter. Dans La dérobade sa prestation de jeune pute paumée et soumise est impressionnante de justesse et de vérité.

Les plus observateurs d'entre vous auront peut-être remarqué, au milieu des prostituées qui attendent les clients dans le couloir de l'hôtel de passe, la charmante Isabelle Mergault qui faisait là ses débuts à l'écran.  

Adapté d'un célèbre récit éponyme écrit par Jeanne Cordelier, ancienne prostituée, ce film de Daniel Duval (principalement acteur, mais également réalisateur d'une dizaine de films) mettant en scène une Miou-Miou au jeu parfait nous révèle le très sombre quotidien ...

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