LA GRANDE SAUTERELLE

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La grande sauterelle, c’est elle. Salène ou plutôt Mireille Darc, l’actrice phare des années soixante et soixante-dix. Elle n’apparaît pas tout de suite dans le film, mais sera le déclencheur décisif de l’intrigue.

Tout commence dans une voiture, par un gros plan face caméra sur Georges Géret, qui balance un monologue aux termes choisis et fleuris :  du pur Audiard. On comprend immédiatement qu’on est dans un polar ou plutôt un pastiche de polar avec pour protagonistes, une bande de losers. Qu’ils passent à attendre un coup qui n’arrivera probablement jamais n’a finalement pas d’importance. Non l’essentiel est ailleurs. Et où ça ? A Beyrouth !

Après le monologue et un accident spectaculaire qui fout des milliers de bijoux et de diamants en l’air, le film bascule au Liban d’avant la guerre, dans une ambiance méditerranéenne opulente et nonchalante. On y retrouve Carl, un blondinet interprété par Hardy Krüger, qui a échappé par miracle à l’incendie de la station essence du début et qui rencontre par hasard Alfred, un collègue. Mais, toujours pas de grande sauterelle.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE MEXICAIN (Entre le polar et la comédie romantique, ce film glamour réunit Brad Pitt et Julia Roberts. Ils se retrouveront pour Ocean's Eleven et ses suites.) ou encore ET DIEU... CRÉA LA FEMME (Parce que Brigitte Bardot fut, comme Mireille Darc, l'incarnation de la femme libérée. La seconde avait plus de légèreté.).

A vrai dire, la grande sauterelle fait déjà partie du décor. Carl l’a repérée depuis longtemps. Et comme il ne se passe plus rien du côté du braquage monté par les deux associés, le film se déplace sur elle. Blonde magnétique au corps longiligne, la grande sauterelle, c’est Mireille Darc, un surnom qui lui va à ravir et va lui coller à la peau. Et dont Alain Delon son ex-compagnon, l’affublera encore dans Pour la peau d’un flic, un des trois films qu’il réalisera au cours de sa carrière.

En 1967, Mireille Darc est une actrice sexy et populaire. Révélée dans Pouic-pouic aux côtés de Louis de Funès et Jacqueline Maillan, elle est déjà bien installée dans l’univers de Georges Lautner. Depuis Les barbouzes en 1964, ils ont tourné quatre films ensemble et se retrouveront encore sept fois, jusqu’à La vie dissolue de Gérard Floque en 1986. Une fidélité exemplaire qui est d’ailleurs la marque du clan Lautner. Outre Mireille Darc, La Grande sauterelle réunit les talents habituels qui gravitent autour du réalisateur : Maurice Biraud, Francis Blanche, Venantino Venantini, le chef op Maurice Fellous, le dialoguiste Michel Audiard et le producteur Alain Poiré.

Avec cette équipe et d’autres encore absents cette fois-là, Georges Lautner a bâti une œuvre singulière où l’intrigue importe peu mais qui fait la part belle aux dialogues, aux personnages, à la composition visuelle de ses images… A ce titre, La grande sauterelle est un monument, presque un prétexte à filmer le Liban comme une des destinations touristiques phares de l’époque. Beyrouth, son souk, son bord de mer, ses marais salants, son port, ses piscines et ses hôtels luxueux, son casino aussi et bientôt Baalbek, ses ruines romaines, son festival de musique classique… offrent un cadre exceptionnel et superbement filmé à l’histoire dérisoire qui se trame à l’écran. La musique subtile de Bernard Gérard est un autre atout d’un film qui finit par revendiquer que l’amour et la liberté valent beaucoup plus que l’argent.