LA NUIT AMÉRICAINE

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C’est au cours de ses fameux entretiens avec Alfred Hitchcock, durant l’été 1962, que François Truffaut commença à penser au film que vous allez voir dans un instant. En effet, lorsque le maître du suspens lui raconta comment, avec des cales et des faux planchers, il était parvenu à faire apparaître Claude Rains moins petit qu’il n’était face à Ingrid Bergman dans Les Enchaînés, il lui répondit : « J’ai l’impression que l’on pourrait faire un bon film comique sur le tournage d’un film. » Dix ans plus tard, il tournait La Nuit américaine, son treizième long métrage.

C’est entre Une belle fille comme moi (72) et L’Histoire d’Adèle H. (75) que Truffaut écrivit le scénario de ce film avec la fidèle Suzanne Schiffman et Jean-Louis Richard, comédien, réalisateur, scénariste et premier mari de Jeanne Moreau avec lequel il avait déjà coécrit Fahrenheit 451 et La Mariée était en noir. Nous voici donc dans les mythiques studios de la Victorine, à Nice, où Ferrand – cinéaste plus ou moins malentendant interprété par Truffaut lui-même – tente de réaliser, envers et contre tout, un film intitulé : Je vous présente Pamela.

Le réalisateur des 400 coups se dirige donc dirigeant une équipe de comédiens, parmi lesquels vous reconnaîtrez Jacqueline Bisset, Jean-Pierre Aumont, Jean-Pierre Léaud, Valentina Cortese et Alexandra Stewart, et une équipe technique, notamment composée de Nathalie Baye, Bernard Menez, Dani, Jean-François Stévenin et Pierre Zucca. Présenté, hors compétition, au Festival de Cannes 1973, un an plus tard, La Nuit américaine devait remporter, à Hollywood, l’Oscar du meilleur film étranger.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver HOLLYWOOD ENDING (2002) (Réalisateur hypocondriaque, Val Waxman (Woody Allen) devient aveugle alors qu’il entame le tournage de son nouveau film...) ou encore ÇA TOURNE À MANHATTAN (1994) (Récit d’un tournage-catastrophe, que son auteur, Tom DiCillo, définit, lui-même, comme « la version contemporaine de la Nuit américaine » !).

S’il y pensait depuis 1962, c’est pendant le tournage de La Sirène du Mississipi (en 69) que François Truffaut commença à prendre des notes, et c’est en travaillant au montage des Deux Anglaises et le continent (en 71), aux studios de la Victorine, qu’il découvrit la grande place parisienne utilisée trois ans plus tôt par Bryan Forbes pour La Folle de Chaillot, avec Katharine Hepburn. « Je regardais chaque jour ce décor [...] et, naturellement, il m’apparaissait [...] plus beau à l’envers. » Formidable déclaration d’amour au cinéma, La Nuit américaine regorge d’hommages en forme de clins d’œil. Hommage à Orson Welles quand on aperçoit quelques photos de son Citizen Kane. « Ce film a changé le cinéma et ma vie », déclara Truffaut. Hommage à Hitchcock lorsque Ferrand reçoit quelques livres, dont le Hitchcock’s film de Robin Wood, et quand Jean-Pierre Léaud demande à Jacqueline Bisset si elle a le trac, mot qu’il traduit en anglais par « Stage Fright », titre original du Grand alibi, tourné par Hitchcock en 1950. 

Autre hommage, à Renoir cette fois, lorsque Nathalie Baye reprend la formule du cuisinier de La Règle du jeu qui refuse d’utiliser le sel marin demandé par une invitée : « J’accepte les régimes, mais pas les manies. » Hommage encore à Jean Vigo, avec la plaque de sa rue niçoise, à Jean Cocteau, avec sa signature au bas d’une tapisserie, à Jeanne Moreau, avec les questions de Pierre Tchernia, et même à la grand-mère de Truffaut, Geneviève de Montferrand, à laquelle Truffaut emprunta le nom de son personnage. On n’oubliera pas non plus les autocitations, notamment la scène du chat et du petit déjeuner, qui rappelle une scène semblable dans La Peau douce. Elle sera reprise dans L’Homme qui aimait les femmes ! De même, Alphonse, le prénom du personnage de Jean-Pierre Léaud, était celui de son fils dans Domicile conjugal !

Il y a, également, cette persistante interrogation de Truffaut : « le cinéma est-il plus important que la vie ? » Question à laquelle il semble répondre en lançant à Alphonse, sur le point d’abandonner le tournage, une devise éminemment truffaldienne : « Les films sont plus harmonieux que la vie. [Ils] avancent comme des trains dans la nuit. » Enfin, si Claude Miller, qui travaille avec Truffaut depuis la fin des années 60, apparaît logiquement dans le très court rôle d’un client de l’hôtel, on n’en dira pas autant du distingué personnage incarnant l’assureur anglais. En effet, séjournant à Nice chez sa maîtresse, le célèbre romancier et scénariste britannique Graham Greene, qui admirait beaucoup Truffaut, se fit passer pour un homme d’affaires en retraite et se fit engager pour cette brève apparition. On dit que Truffaut n’en sut rien et qu’il ne découvrit sa présence qu’au montage !

Lorsque François Truffaut entreprend en 1973 de faire du cinéma lui-même le sujet d’un film, le septième art en a vu d’autres. Buster Keaton, dès les années 20 avec les pépites The Cameraman et Sherlock Jr. avait abordé cette fascinante question de la porosité entre ...

Les studios de la Victorine à Nice sont en pleine ébullition, Ferrand réalise son nouveau film coproduit avec Hollywood: "Je vous présente Paméla". Le tournage commencé dans l'enthousiasme va très vite être parsemé d'embûches. Des intrigues amoureuses surviennent entre ...

Cette réplique, déclarée par Joëlle (Nathalie Baye), est une de mes préférés du film. Elle résume à mon goût parfaitement l'amour inconditionnel que porte Truffaut au cinéma. Nathalie Baye est d'ailleurs dans ce film formidable, charmante et possédant une présence ...