LE BONHEUR A ENCORE FRAPPÉ

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Achille Pinglard : sans vouloir faire de délit de patronyme ou de procès d'intention, voilà tout de même un nom de famille difficile à porter… Le plus terrible est sans doute que cet Achille Pinglard correspond tout à fait aux a-prioris que l'on peut imaginer rien qu'en entendant prononcer son nom : il est bête, méchant et malveillant.

Le film de Jean-Luc Trotignon dresse le portrait d'un homme issu de ce que les sociologues émérites appellent "le quart-monde". Derrière cette expression très diplomatique se cache tout simplement une misère humaine assez proche au fond de celle des pays sous-développés, qualifiés eux de "tiers-monde". Pinglard, vous allez le voir ne se contente pas de vivoter dans une existence médiocre, il en fait aussi payer le prix à sa femme, à sa fille handicapée et à son fils qu'il oblige même à dormir dans une cave pour mieux pouvoir louer sa chambre à une Ssuédoise !

Portrait sans filtre d'une certaine France, Le bonheur a encore frappé est surtout l'occasion de croiser des personnages uniques et finalement attachants dans leur si grande détresse.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LES BIDOCHONS (Une certaine vision d'une certaine France : celle des petites gens à la petite culture... Attendrissant, agaçant et irrésistible !) ou encore AFFREUX, SALES ET MECHANTS (Le cinéma italien de Scola et celui de Jean-Luc Trotignon ont parfaitement su capter la tendresse mais aussi la détresse de ces personnages à première vue repoussants...).

La carrière de Jean-Luc Bideau aura été jalonnée de personnages ahurissants… Ce comédien suisse est ce que l'on appelle un "grand second rôle" du cinéma français. En clair, un acteur avec une gueule et un répertoire qui l'ont certes éloigné du haut de l'affiche mais qui lui ont aussi permis de s'inscrire dans le paysage, au point d'y être identifié comme indispensable sur la durée ! Passé par le Conservatoire de paris et le Théâtre National Populaire, c'est d'abord sur les planches que Bideau se fait une réputation à la fin des années 60. Un physique imposant de grand échalas, une voix de stentor et un "j'm'ens foutisme" apparent suffisent à l'orienter vers un registre qu'il ne quittera plus !

Au début des années 70, sa longue silhouette apparaît dans des films d'auteur comme La salamandre d'Alain Tanner, Etat de siège de Costa Gavras ou Projection privée de François Leterrier. Mais c'est la comédie grivoise qui va soudain le révéler à un plus large public. En 1979, Et la tendresse bordel ! est un petit événement : le ton volontairement provocateur de l'histoire choque les consciences et obtient un joli succès au box-office, porté par une réputation sulfureuse et quelques scènes il est vrai osées. Le réalisateur Patrick Schulmann y confronte trois couples avec leur quête du bonheur. Sexe, grand amour et tendresse, chacun selon son âge et sa culture, se frotte a diverses expériences, au propre comme au figuré ! Jean-Luc Bideau y excelle dans un registre qui lui va comme un gant.

La suite de sa carrière en sera fortement inspirée, avec des films comme Tout feu tout flamme, Y a-t-il un français dans la salle ?, Inspecteur Lavardin ou Les bidochons. Mais le cantonner dans cette catégorie du "beauf" de service serait totalement injuste : s'il s'acquitte parfaitement de cette tâche quand elle lui est confiée, le comédien peut aussi briller dans la profondeur et l'émotion. Il l'a prouvé chez Sautet, Tavernier ou Raoul Ruiz et au théâtre dans des pièces de Musset, Sartre, Brecht, Cocteau ou Ionesco…