Du temps d’Humphrey Bogart, même si les détectives privés n’étaient plus des gamins, nous étions rarement confrontés comme ici à des personnages frôlant la date de péremption. Mais le film date de 1977 et Hollywood se régale à revisiter les codes, avec autant d’impertinence que de respect. Les autres films noirs de la période ne sont-ils pas autant d’hommages parfois très ironiques à un genre qui fonctionnait jadis au premier degré ? Citons La Fugue, d’Arthur Penn, La Toile d’araignée, de Stuart Rosenberg, Chinatown, de Roman Polanski, ou encore Le Privé, de Robert Altman. Altman qui est d’ailleurs le producteur du film dont nous parlons ici.
Mais le genre sied bien à Benton, qui est davantage connu à l’époque pour son scénario de Bonnie and Clyde que pour Bad Company, son premier film, un western. Bonnie and Clyde ne pouvait pas ne pas lui revenir d’ailleurs : le père du cinéaste avait été, en 1934, à l’enterrement des deux braqueurs, inhumés séparément. Par la suite Benton signera d’autres films noirs comme La Mort aux enchères, Nadine ou Billy Bathgate, sans jamais retrouver, selon ses thuriféraires, sa patte du Chat. C’est avec un film totalement différent que notre homme a rencontré la gloire : Kramer contre Kramer, soit une comédie douce-amère sur un père, interprété par Dustin Hoffman, tenu de s’occuper de son gamin après son divorce…
Benton visiblement se régale avec les comédiens. Art Carney et Lily Tomlin, qui prêtent leurs traits aux deux personnages principaux, sont même époustouflants. D’aucuns s’étonnent qu’ils n’aient pas décroché l’Oscar. Cela étant dit le tournage n’a pas été de tout repos, Lily Tomlin n’aimant rien davantage que l’improvisation alors qu’Art Carney était de la vieille école, celle qui se targue de connaître son texte à la virgule près. Ce qui n’empêche pas celui qui fut Harry dans Harry et Tonto de Paul Mazursky, et celle qui avait été chanteuse de gospel dans Nashville, de Robert Altman, de briller de mille feux.